Un véritable chef d'oeuvre d'obsessions en tous genres, qui redéfinit totalement les règles de la narration cinématographique ! Entre ascèse et opulence Alain Resnais adapte brillamment la matière scénaristique de Robbe-Grillet, nous plongeant d'emblée dans un conte labyrinthique formé de plafonds fastueux et de couloirs gigognes, conte accompagné de la voix typique de Giorgio Albertazzi nous récitant une envoûtante et entêtante litanie.
Visuellement dense et resplendissant L'Année dernière à Marienbad invite tout un chacun des spectateurs à s'en faire une lecture propre, singulière, doué d'un authentique regard de Cinéma. Son décor prodigieux et marmoréen se mue seconde après seconde, plan après plan en un gigantesque terrain de jeux au coeur duquel les figures géométriques peuvent à notre guise s'interchanger, s'annuler et/ou se compléter. La beauté sculpturale des comédiens et des comédiennes ( évoquant parfois les modèles bressonniens dans cet équivalent émotionnel pour le moins soustractif ) s'ajoute à la complexité des cadrages et à celle de la composition quasiment architecturale des plans.
A l'image de ces interminables travellings promenant la caméra de Resnais le long de couloirs aux lignes de forces hallucinatoires L'Année dernière à Marienbad agit sur le spectateur comme un monument de vertiges aux entrées potentielles multiples. La lumière dense et nuancée de Sacha Vierny est une réelle splendeur, mêlée de jeux de miroir et d'asymétries subjuguantes agissant comme un formidable cas d'école stylistique et ludique. On ne pénètre pas impunément dans le dédale emphatique et rigoriste de Alain Resnais et Robbe-Grillet... pour mieux en sortir en fin de compte littéralement comblé et fasciné, les yeux largement ouverts et l'esprit élevé. Un sommet d'hypnose qui - près de 60 ans après sa sortie en salles - n'a rien perdu de son audace ni de sa modernité : immanquable.