L'Année du Dragon par Zogarok

Premier film de Michael Cimino tourné après l'échec monumental de son non moins pantagruélique La porte du paradis. L'année du dragon est un néo film noir sorti en 1985, suivant les pérégrinations des triades de Chinatown et d'un flic ouvertement raciste. Cet anti-héros incapable de vivre sereinement est interprété par Mickey Rourke : c'est après son rôle dans Rusty James celui qui le consacre et en fait un interprète de personnages torturés très demandé.

Ecrit par Oliver Stone (Tueurs nés, Salvador), L'année du dragon est un film très bavard, très ''écrit'' : trop. Cimino (Voyage au bout de l'enfer, Le canardeur) est exagérément littéraire, se mettant tout seul des barrières inutiles alors qu'il fait preuve par ailleurs d'un goût visuel remarquable. Malheureusement il ne commente guère avec sa mise en scène, envoyant plutôt par les dialogues le maximum de dialogues. Cela n'a pour effet que d'alourdir son film, les vannes comme les anecdotes étant franchement sans incidence.

Toutes ces saillies génèrent néanmoins un certain plaisir et mettent en relief une sensibilité : lourde, consistante, parasitée par tant de choses vaines ou d'élans impossible à tenir. L'année du dragon voudrait livrer une vision percutante sur de nombreux sujets sociaux, politiques, culturels, mais en reste au stade des intentions déclarées – et solidement défendues. L'alchimie Cimino et Stone ne prend pas et la sensation de chef-d'oeuvre raté est tenace ; cela engendre par contre un thriller borderline, entre l'alignement et la fantaisie, au ton outrancier et offensif tout en restant foncièrement courtois, presque par mégarde.

Beau film (décors et photos superbes) où Cimino réussit à la fois à imposer sa signature et affirmer une ambition folle, tout en exprimant peu, au point que rétrospectivement il semble passer après tout le monde. C'est donc bien dans l'action que L'année du dragon s'épanouit le mieux, flirtant avec le western urbain. Il génère même des images fortes, de celles qui vous frappent l'esprit et dont la plénitude rend dérisoire tout relais (l'instant où Rourke quitte le groupe de flics par exemple), sauf la musique.

https://zogarok.wordpress.com/