Lorsqu'un cinéaste s'attaque à un sujet qui lui est cher, l'objectivité menace toujours de céder le pas à une certaine forme de parti-pris qui prend le risque de diviser les foules. La thématique de la foi, Xavier Giannoli l'a déjà traitée ("A l'origine") mais jamais aussi frontalement. "L'Apparition", c'est l'histoire d'un agnostique en proie à une douloureuse introspection suite à la mort d'un de ses collègues et ami journaliste. Contacté par le Vatican pour mener l'enquête sur une éventuelle apparition de la Vierge Marie, Jacques (Vincent Lindon, qu'on attend toujours avec ferveur et qui ne déçoit encore une fois pas) va tenter de démêler les tenants et aboutissants d'une complexe histoire tournant autour d'une jeune fille (Galatea Bellugi, fascinante découverte) victime d'apparitions divines.
La première partie du film est totalement envoûtante. Musique liturgique, ambiance mystique parfaitement distillée au fil des entretiens et des rencontres d'un reporter travaillant en terrain inconnu, scénario teinté de spiritualité et de dissimulation qui n'est pas sans rappeler ceux de l'auteur des "Rivières Pourpres", Jean-Christophe Grangé, Giannoli réussit le tour de force d'embarquer son public dans un envoûtant état des lieux de la foi chrétienne et de ses travers. Il dénonce une religion mercantilisée par certains de ses plus fervents adeptes mais pose un regard admirateur sur ses âmes innocentes touchées par la grâce et tenant cette foi à bout de bras . Le ton est appréciablement neutre, Lindon constitue un guide idéal dans ce voyage initiatique et les images de Giannoli, chargée de symboliques (on pense à ces nombreux plans où les plumes d'oreillers planent autour des apparitions de la jeune fille telles les traces d'une nature angélique) charment l'oeil du spectateur.
Et puis l'histoire change de direction, le journaliste décidant de pousser l'enquête jusqu'à ce que l'on ne comprenne plus trop les indices et similitudes découverts par ce dernier et que l'intrigue devienne trop tentaculaire et s'éloigne trop de son intelligent postulat de départ. Le final, inopportun, vient détruire toute l'étude savante qu'avait orchestré le cinéaste pour nous laisser dans un ultime et frustrant "tout ça pour ça?". Surtout que la neutralité qui était bienvenue au début, est mise au placard en moins de deux.
Un film clairement trop long qui s'est tiré une balle dans le pied au bout des excellents deux premiers tiers qui aurait dû constituer sa durée finale.