Entre ridicule et émouvant, sublime et noyé dans le trop-plein numérique, un film le cul entre deux

Quelque part entre le réalisme de « Croc-blanc » (du même Jack London), le côté infantile de « L’incroyable voyage » et un film d’animation du style « Comme des bêtes », « L’appel de la forêt » a constamment le cul entre deux chaises, voire trois. Si vous êtes d’humeur plutôt niaiseuse (sans que ce terme soit employé de manière péjorative), vous pourrez y trouver votre compte mais si vous êtes plutôt du genre cynique vous resterez sur le bas-côté, tant ce film d’aventures à l’ancienne apparaît simpliste et bien trop versé dans les bons sentiments. Alourdi par une voix off un peu envahissante censée nous faire ressentir les états d’âme de Buck, ce chien pas comme les autres, le long-métrage de Chris Sanders plaira davantage aux enfants qu’aux adultes, la faute à un manque total de second degré de lecture et des personnages caricaturaux, humais comme animaux.


De plus, et c’est ce qui nous fait hésiter entre le film gentiment sympathique et le film dispensable, on alterne, sur le fond comme sur la forme, entre moments réussis et moments gênants. Le script nous offre quelques très jolies séquences d’évasion en pleine nature où les péripéties - plutôt rythmées – vécues par ce chien sont distrayantes. On pense notamment aux débuts de Buck comme chien de traîneau ou à l’arrivée dans la cabane dans la nature idyllique d’un Alaska estival de carte postale. A côté, beaucoup d’autres moments sont trop manichéens… Pour ne pas dire ratés et ridicules comme cet anthropomorphisme excessif qui voit le canidé se battre pour devenir le chef de meute soutenu par d’autres chiens comme une vedette de catch ou encore lorsqu’il s’acoquine avec une louve dans une volonté opportuniste et à la mode de prôner la mixité, mais ici à la sauce animale (!). L’émotion pointe cependant le bout de son nez parfois grâce à la relation du chien avec le personnage d’Harrison Ford, encore bien fringant pour un presque octogénaire. En tout cas bien plus que les moments avec un Omar Sy qui en fait des tonnes.


Mais le plus gênant ici est bien cet aspect hybride et définitivement perturbant qu’adopte le long-métrage en mêlant numérique et décors naturels. Pourquoi Diable ne pas se contenter de filmer cette nature si sublime en l’état plutôt que de la noyer dans des incrustations numériques le plus souvent ratées et trop voyantes ? Visuellement on nage entre un film d’animation et un film en prises de vues réelles de manière assez bancale. Quant au chien, personnage principal du titre, et ses collègues animaux, on comprend que de vraies bêtes auraient été bien plus difficiles à apprivoiser pour un tel scénario. Cependant, les effets spéciaux, aussi réussis soient-ils, se voient ; ils donnent un rendu étrange à l’œil, un rendu qui n’est pas du meilleur effet justement. C’est à la fois impressionnant sur le plan de la technique mais finalement pas approprié. Le trop-plein numérique n’est pas loin et cela désavantage considérablement le film. En résulte un moment d’évasion relativement sympathique mais qui ne sait pas sur quel pied danser sur la forme et qui ne convainc que par bribes pour le reste à force d’être broyé dans le rouleau compresseur Disney. Pour les jeunes spectateurs seulement bien que ce soit beau à regarder.


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JorikVesperhaven
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le 21 févr. 2020

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Rémy Fiers

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