« Streght and a beautiful sound like in the tautness of a bow. I want to live like this until the d

C'est plus une analyse qu'une critique mais ... la voici.


L’Arc décrit la relation ambiguë entre une jeune fille et le vieil homme qui l’a recueillie/kidnappé lorsqu'elle avait sept ans, et qui l’élève depuis bientôt 10 ans sur son vieux chalutier, nourrissant le désir un peu fou de l’épouser pour ses dix-sept ans. A l'aide d'un petit bateau, le vieil homme fait régulièrement des aller-retours jusqu'à la ville, pour ramener des provisions, et des pêcheurs venus pêcher en haute mer. Pendant ce temps, la jeune fille l'attend, heureuse, et joue sur le chalutier. Les pêcheurs, de passage sur l'embarcation, ne manquent pas de remarquer la belle jeune fille, toujours surveillée par son protecteur. Ils viennent non seulement pêcher, mais demander au vieil homme de lire leur avenir. Mais les doux rêves de mariage, tournent à l'obsession, quand la jeune fille commence à porter un certain intérêt pour un jeune homme venue de la ville. L'arrivée de cet élément perturbateur brise le quotidien qui s'était installé entre les deux personnages principaux. Les certitudes chavirent pour laisser place au trouble, à la colère, à la jalousie, au désir. Jusqu'à ce que le mariage tant attendu ai lieu, de même que la libération de la jeune fille devenue femme. Son rêve accompli, le vieil homme sombre au fond des mers accompagné par son fidèle chalutier. Et la femme quitte son lieu d'isolement et rejoins la ville.
Kim Ki Duk revisite avec ce long-métrage ses thèmes de prédilection : la place de l’homme dans la nature, ainsi que dans la société, le libre-arbitre, l’expérience et l’apprentissage de la vie, l’expiation de ses fautes. Hors de la violence et de la brutalité qu'on peu lui connaître, cette fois-ci il aborde ces thèmes avec légèreté, lenteur, douceur. S'il s'attarde sur un plan et prend le temps de montrer un geste, un regard, c'est parce que toutes les émotions s'y trouvent concentrées. Il ne se contente pas de faire un film, il crée de la poésie.
L'Arc se débarrasse du superflu. Il épure le décors, les personnages, et même les mots. Kim Ki Duk enferme ses personnages sur le chalutier, qu'on ne quitte pas durant les 90 minutes qui composent le film. Le peu de pêcheurs qui montent à bord du chalutier sont les uniques personnages secondaires, qui apportent des nouvelles ou des rumeurs de la ville. Et eux seuls brisent le silence que soutiennent le vieil homme et la jeune fille. Cette économie de mots est rendue possible non seulement par la manière unique de ralentir le temps, de montrer, de faire voir, mais aussi par l'incroyable jeu de Jeon Seong-Hwang et de Han Yeo-reu (le vieil homme et la jeune fille), qui jusque là acteurs amateurs, éblouissent l'écran de sincérité et de talent.
Parallèlement à cela, la mise en scène de L’Arc peut s’avérer remarquable de mobilité. Malgré ce huis clos maritime, l’unité de lieu n’empêche pas la caméra d’adopter une multiplicité de points de vue, de la vision éloignée du bateau voguant sur la mer, à l’espace exigu de la petite chambre des deux personnages. Tous les recoins du bateau sont explorés. On sent une réelle maîtrise de l’espace, on peut aussi bien avoir une sensation d'oppression, comme une sensation de liberté infinie.
Dans son œuvre, Kim Ki Duk utilise beaucoup les symboles, et c'est même à ça qu'on reconnaît son univers. L'Arc ne se contente pas seulement de suivre cette règle, mais en fait sa matière première. Tout l'univers : décors, lumière, couleurs, musique, illusion d'espace-temps ; nous plonge au cœur d'une Corée traditionnelle et intemporelle, bercée par la religion bouddhiste et ses codes. On retrouve sur la coque du bateau, endroit de prédiction du vieil homme, un Bouddha Coréen, entouré par certains des douze animaux du zodiaque chinois. Dans le bouddhisme 5 couleurs ont une signification particulière : Un état d'esprit, un Bouddha céleste, une partie du corps, du mantra et/ou un élément de la nature. Ces cinq couleurs, blanc, noir, bleu, jaune, rouge et vert (le bleu et le noir étant interchangeables) ce retrouvent dans tous les éléments de décors du film, jusqu'à détendre sur les personnages puis se perdent quand la jeune fille, rejoins la ville et quitte la tradition. La composition du film, fait elle aussi référence au Bouddhisme. Le film est réparti sur différents cycles qui se répètent, comme des cycles de réincarnation bouddhiste (la finalité étant de ne plus se réincarner lorsqu'on atteint le nirvana). Le vieil homme une fois le nirvana atteint via la sexualité, n'as plus besoin de se réincarner. Son cycle s'arrête, laissant sa partenaire commencer un cycle différent.
Les objets principaux du film sont à eux seuls des symboles, des références. Notamment le chalutier. Son nom :인일 (Inil) est phonétiquement proche du mot 인질 (Injil) qui signifie « otage » en Coréen. Le deuxième bateau, avec lequel le vieil homme part en ville et ramène les pêcheurs sur le chalutier, ce nomme 동진 (Deongjin), phonétiquement proche du mot 동기 (Deonggi) qui signifie en Coréen « mobile », et c'est avec ce petit bateau que la jeune fille rejoins la ville à la fin du long-métrage. Le premier la retiens, le deuxième la libère. Et puis il y a l'arc aussi, élément essentiel, d'autant plus par ses multiples facettes : Il sert à communiquer, à lire l'avenir, à combattre, à faire du sport, et va même jusqu'à devenir une sorte de réincarnation du vieil homme. Mais surtout, il est l'instrument de musique dont l'homme joue, et qui nous berce tout au long du film. La bande originale est créée par Kang Eun-il, jeune compositeur accompagné de son haegeum, instrument traditionnelle coréen réellement joué à l'aide d'un arc. Sa musique est d'une beauté exceptionnelle et nous saisi, nous prend, nous violente et nous fait voyager à travers le film jusqu'à en perdre le souffle.
Kim Ki Duk a choisi de nous raconter ces événements sous la forme d'un poème. Si le scénario semble surréaliste, il n'en fait pas moins une analyse retenue – mais précise – de notre société. Outre toute la partie qui parle du bouddhisme et de la société traditionnelle Coréenne, il aborde dans une première lecture, les rapports humains, improbables, amoraux, mais très touchants. Puis nous offre un face à face entre la nature et la ville, le pur et l'impur, le sain et le malsain, le traditionnel et l'industriel. Le suffisant : Le chalutier qui sert à pêcher et sert de maison, la vie en mer, la vie simple ; versus la surconsommation : Le jeune homme et ses différentes cannes à pêche, son baladeur mp3, son téléphone portable, et toutes les autres affaires qu'il apporte sur le chalutier et qui ne sont pas "indispensables".
Il va plus loin, en nous proposant une réflexion sur le libre-arbitre, sur la condition de la femme, sur les désirs contraires, sur la liberté. A partir de quel moment une décision nous appartient ? Qu'est-ce qui nous influence ? Comment ça nous influence ? Comment décèle t-on un rapport de soumission ? Qu'est ce qui le définit ? Ou encore, imposer un désir est-ce contraindre ? Tout autant de questions restent suspendues, et font qu'une fois le film terminé, on reste là, à réfléchir l'univers. Il ne s'agit pas pour Kim Ki Duk d'amener une réponse, mais de donner des axes de réflexion. On impose pas, on propose.
Mon premier film de Kim Ki Duk, a été Printemps, été, automne, hiver et printemps. Il est passé une fois à la télé, j'étais jeune. Il ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable. Plus tard au lycée en flânant dans le rayon DVD de la médiathèque de ma ville, j'ai été attiré par la couverture de Locataires, que j'ai visionné plus tard à la maison. Ça a été un coup de cœur. Je me suis empressé de découvrir toute sa filmographie, en tous cas la partie qui est disponible en France, et j'y ai découvert un réalisateur qui me touchait. Cependant de tous les films que j'ai pu voir, l'un d'eux a plus attiré mon attention. C'était l'Arc. Kim Ki Duk a laissé de côté la violence, la peur, l'horreur, pour filmer la poésie, la légèreté, la douceur. Sans tomber dans la facilité, dans la naïveté. Mais de manière juste, précise. Visuellement, il vaut aussi le détour, il est splendide, contemplatif. Je l'ai vu pas mal de fois, et chaque fois j’aperçois, un détail, une référence, un symbole que je n'avais pas vu lors des visionnages précédents. Il y a un tel concentré d'émotions et de sentiments en 90 minutes, qu'à la fin du film on est épuisés, et on a la sensation d'avoir redécouvert le monde, de s'être abandonnés. Et ça fait du bien.
OrangeAlice
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le 1 juil. 2015

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