Début des années 90, Sam Raimi s’est fait un nom dans la réalisation et son talent n’est plus à prouver. Il peut maintenant se permettre de faire ce qu’il veut et ce qu’il veut, c’est réaliser un troisième Evil Dead. La fin du second opus laissait Ash en position fort inconfortable puisque le voilà piégé en pleine époque médiévale, en 1300 plus précisément. Il faut savoir que l’idée de faire évoluer Ash dans cette période était l’idée de départ de Evil Dead 2 mais à ce moment, bien qu’il fût plus conséquent que pour le premier film, le budget était encore trop maigre pour faire quelque chose de crédible. Dès lors, la partie moyenâgeuse a tout de même été conservée pour conclure le deuxième film. Mais cette fois-ci, Sam Raimi reçoit enfin la somme nécessaire pour laisser libre court à ses envies, soit trois fois la somme allouée à Evil Dead 2 qui avait lui-même couté dix fois plus cher qu’Evil Dead.. Le film se déroule donc en 1300.


Encore une fois, la société de production de ce troisième film est différente des deux premiers films et Sam Raimi se retrouve avec le même problème : il ne peut pas réutiliser les images du deuxième film pour son résumé. Il est donc obligé de retourner des plans avec une troisième interprète pour le personnage de Linda, quelques scènes clefs retravaillées par rapport au film d’origine et il est même obligé de faire fit de la fin où Ash était acclamé par une armée de chevaliers pour au final commencer ce troisième film avec un Ash prisonnier et condamné à la peine de mort. Étant donné que des changements drastiques avaient déjà été opérés entre le premier et le deuxième film, ces changements ci surprennent à peine et sont au final peu dérangeants.


Cela dit, si ce ne sont pas les changements scénaristiques qui choquent, ce son bien ceux artistiques qui peuvent dérouter. Et si Evil Dead 2 faisait déjà la balance entre le comique et le gore, ici c’est l’humour qui est bel et bien privilégié. Sam Raimi, épaulé par son frère Ivan pour l’écriture du scénario, opère un véritable virage à 180°. Au moins, on ne pourra pas dire que la saga est redondante. Sur le ton du film déjà. Comme je l’ai déjà dit en parlant de Evil Dead 2, Sam Raimi est fan des Trois Stooges. Il avait déjà introduit quelques références dans le deuxième film tout en gardant un aspect horreur. Ici, il va mettre la gomme et faire de Army of Darkness un divertissement comico-fantastique. L’humour tarte à la crème est roi et délibérément exacerbé. Plusieurs scènes sont de parfaites représentantes de cet humour avec par exemple Ash contre les mini-Ash, Ash et les 3 Necronomicon et Ash contre les squelettes dans le cimetière. Ash se prend des claques, voit son visage déformé, se fait mordre, se fait piquer les fesses par des mini-lui, etc. On assiste à un véritable cartoon live. Et je peux vous jurer que la différence avec les 2 autres films est plus que sensible. Soit ça passe, soit ça casse. Pour moi, ça passe parce que ce n’est pas le seul changement et que l’ambiance général du film s’y prête plus que pour les deux autres films.


Les démons par exemple. Dans les deux premiers films, ils étaient horribles, terrifiants. Leur aspect avait pour but de faire peur et les maquilleurs n’hésitaient pas à leur donner un look très éloigné du visage humain. Ici, les démons sont peu nombreux et ressemblent plus à des sorcières avec la peau desséchée. Ils ne sont pas beaux à voir mais ne font pas peur. De plus, ils ont l’air moins dangereux, font beaucoup d’acrobaties mais n’ont plus ce côté menaçant qui les caractérisait. De plus, dans la deuxième partie du film, les démons à l’aspect putride et à la chair abimée sont remplacés par des squelettes. Bien plus propres et surtout plus du tout effrayants. Entre un tas d’os et une sorte de surhomme au visage terrifiant, il y a une grosse différence. Même Evil Ash a un aspect qui fait plus penser à une créature monstrueuse qu’à un démon. Dommage qu’ils n’aient pas utilisé la version possédée de Ash du second film qui étaient le vrai chef-d’œuvre des maquilleurs.


Le gore aussi a totalement disparu. Là où il y avait des litres de sang dans les deux premiers films, la seule scène sanglante de Army of Darkness aura lieu au début quand un pauvre homme sera livré aux griffes d’un démon. Puis plus rien. Mais comme le film se veut plus comique, l’absence de scène gore ne dérange pas et je dois dire même que c’est justement cette première scène qui semble du coup hors propos. Mais ce n’est pas parce qu’il est moins sanglant qu’il n’y a pas du dégommage de démons et Ash se fait un plaisir d’utiliser sa tronçonneuse et son fusil pour s’en débarrasser. Ces scènes sont d’ailleurs celles qui se rapprochent le plus des premiers films, nous rappelant ainsi qu’on regarde bien une suite de Evil Dead. Il faut dire qu’avec la disparition de la cabane, l’ambiance de nuit qui fait place à la lumière du jour et la légèreté du film, Ash reste le seul vecteur entre les trois films.


Parlons en de Ash. Il avait déjà changé entre le premier et le deuxième film. Il était devenu plus confiant alors qu’avant, il était à côté de ses pompes. Eh bien pour ce troisième film, sa personnalité change encore. Sauf qu’il a évolué dans le mauvais sens. Si avant il était confiant, le fait d’être considéré comme l’élu capable de se débarrasser des démons de Kandar lui est monté à la tête. Ash est devenu présomptueux, vantard, un belle grande gueule. Mais ça rend le personnage encore plus drôle car le voir tellement sûr de lui et se planter à plusieurs occasions est drôle. Plusieurs scènes seront d’ailleurs cultes grâce au comportement de Ash. Persuadé de pouvoir retenir une formule de trois mots, il se retrouve au moment crucial incapable de souvenir du dernier mot (avec une référence à Le jour où la Terre s’arrêta, la formule étant « klaatu barada nikto ») et sera la cause du réveil de l’armée des morts. Son petit numéro pour effrayer les chevaliers avec son fusil qu’il appellera sa « baguette magique » possède aussi de grandes lignes hilarantes de par leur anachronisme et leur totale gratuité comme «Et si c’est Américain, c’est bien ! » ou « Chez Priba, les prix sont bas…C’EST CLAIR ?! » Il pourrait être détestable, il va même jusqu’à ramener les démons qu’il avait pourtant vaincu jusqu’à son époque et pourtant, il est tellement drôle qu’on lui pardonnerait presque. Preuve que Ash est un personnage terriblement attachant.


Autre différence, moins flagrante, c’est la réalisation. Sam Raimi est toujours à la barre mais la folie et les expérimentations faites sur ses précédents films semblent s’être envolées. Il n’hésitait pas à tourner des plans différents de ce qu’on a l’habitude de voir avec un résultat surprenant et très réussi. Army of Darkness est plus sage de ce côté-là. La réalisation est plus traditionnelle et Sam Raimi ne nous concocte aucune nouveauté. Il arrive cependant à nous caser dans une scène le mouvement caméra à l’épaule sur la moto qui est, je le rappelle, mon mouvement préféré et la plus grande réussite de ses films. C’est, avec les démons trop propres, un des seuls vrais reproches que j’ai à faire au film.


Car si celui-ci est très différent des deux autres, je trouve quand même Army of Darkness très réussi dans son genre. Le film est drôle, il y a pas mal d’action, le scénario est un peu plus poussé que pour les deux premiers films, la personnalité de Ash est exacerbée, bref, le film est un vrai divertissement dans la plus pure tradition des choses. Et même si parfois on a du mal à se rappeler qu’on regarde un Evil Dead, ça n’en fait pas pour autant un mauvais film.


Voilà, c'est avec ces mots que se termine le tour d'horizon de la saga Evil Dead. En espérant que ça vous a donné envie de regarder ces trois films qui seront bientôt complétés par un remake et une troisième suite.

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le 8 févr. 2017

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