L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford par Spoof

Rarement l'esthétique d'un western fut porté à une telle exigence. Avant toute chose, et c'est ce qui marque dès les premières minutes du film, « L'Assassinat de Jesse James... » est un film qui se contemple et qui laisse bouche bée devant le travail de la lumière et des compositions de cadres. Clairs-obscurs, vignettage, profondeur de champs, tout est rassemblé et pensé pour rendre chaque plan mémorable. Un chef d'oeuvre de cinématographie qu'on doit à Roger Deakins, directeur photo des frères Coen.

Mais malgré ses qualités visuelles, et la musique envoûtante de Nick Cave qui sied si bien à l'aspect contemplatif du film, il serait bien trop facile de ranger « L'Assassinat... » aux registres des belles pièces sans âme. Ni même lui attribuer l'étiquette du néo-western un peu snob. Parce que ce perfectionnisme dans la cinématographie et dans la musique, sert avant tout une histoire qui va au-delà du principe d'un genre. Au final, le film se révèle un drame incroyable sur la culpabilité et le poids des choix qui nous incombent.

Jesse James, criminel le plus célèbre des Etats-Unis au 19e siècle est alors à la fin de sa carrière. Extêmement populaire auprès de la population, il va même jusqu'à mettre à prix la tête du gouverneur. A 34 ans, il s'apprête à se ranger auprès de sa femme et de ses deux enfants, mais réalise un dernier « coup » aux côtés de son frère, et d'une bande de seconds. Rongé par la dépression, il est de plus en plus instable, et malgré sa réputation de robin des bois auprès de la population, le sang qu'il a sur les mains ne cesse de contredire l'image de légende qu'il renvoie malgré lui. C'est dans ces circonstances et cet état d'esprit particulier qu'il va faire la rencontre de Robert Ford, jeune apprenti voleur de 20 ans qui vient de rejoindre sa bande, et qui idolâtre James depuis sa plus tendre enfance. Mais Ford, qui est le dernier d'une grande fratrie, subit depuis longtemps les railleries et les brimades de tout son entourage. Il ne rêve que d'une chose : de reconnaissance et du respect qu'il voit transparaitre dans le personnage de Jesse James.

Le film est donc un magnifique parallèle entre les deux destinées des personnages. L'un, criminel et assassin de carrière, impulsif, violent, qui arrive difficilement de jour en jour à vivre avec lui même. Et qui pourtant attire le respect des gens qu'ils croisent. L'autre, jeune homme chétif, mal assuré, est épris d'aventure et de reconnaissance, et voit en Jesse James le guide à suivre vers une destinée auréolé de gloire. Chacun va donc apprendre, à ses dépens, que le poids des choix que l'on fait dans sa vie est relativement irréverssible, et que de chaque action découle des conséquences, pas forcément souhaitables. Nous, que la lâcheté et le courage ne sont pas des caractères aux bords si tranchés, et pas forcément là où l'histoire les a placés.

Interprétés notamment par un trio d'acteurs remarquables (Brad Pitt, Casey Affleck et Sam Rockwell), le film donne souvent lieu à des séquences de tête-à-tête dignes des meilleurs souvenirs de cinéma. Sans parler des dialogues, le souci est alors dans le détail. Une main qui touille un café, une paupière qui cligne, un échange de regard. Un fourmillement de petites choses dont la somme parvient à créer des scènes mémorables de tension.

Bien entendu, le film, de par sa nature même, est volontairement lent dans son rythme. A l'image de son titre à rallonge, l'histoire s'étend assez en longueur. De ce fait il peut être facilement taxer de soporifique si on est pas dans de bonnes conditions. Mais il mérite vraiment qu'on se donne la peine. Parce que « L'Assassinat de Jesse James... » est de ces petits bijoux qui laisse un souvenir vraiment particulier une fois le générique qui défile. Comme l'impression d'avoir vu quelque chose qui ne ressemble à rien d'autre. Et rien que ça, ça mérite le coup d'oeil.
Spoof
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le 5 juin 2010

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