L’attaque des tomates tueuses (attt) c’est quoi ? Bah c’est un nanar classique, tu sais ces films qui sont ridicule et qui n’ont aucun sens ce qui les transforme en œuvre de jouissance totale. NONONO. L’attt ce n’est pas un nanar, c’est un film avec les codes du nanar. Un nanar donc me direz-vous ?! Non, enfiiiiin un peu. C’est comme, imaginez un cartoon. Ils sont excellents par ce qu’ils sont. Ce sont les nanars de notre exemple. Maintenant imaginez Roger Rabbit. Ça m’a l’air d’être un film tout aussi excellent. Il emprunte aux codes des cartoons mais en est-ce un pour autant ? Eh bien c’est l’attt de notre exemple. J’ai envie de dire que l’univers de l’attt c’est celui des nanars où il y a des codes, des personnages, des façons de concevoir la réalité et de montrer les choses. C’est dans la façon dont le film est modelé qu’il est un nanar. Dans sa chair. Il a la patte nanar. Cependant, là où il diffère des nanars classiques c’est dans son traitement, dans sa progression et dans ses symboles.


Le film se distingue par un immense sens de la réalité. Ce film est foutrement réel. Les situations sont incroyablement exactes. Mais la manière dont le film décrit ces situations est assez spéciale. Il emprunte les chemins de l’absurde : les choses de cet univers ont un sens profond et très rattaché à notre réalité. C’est seulement leur comportement qui est totalement grotesque. Une fois cette prémisse acceptée, une fois que le spectateur accepte l’univers, le film prend tout son sens. Dire que le film est ridicule car ses situations sont absurdes reviendrait à prétendre que la saga Star-Wars ne vaut rien car les sabres laser ça n’existe pas. Bref la suspension consentie de l’incrédulité quoi. Le film est cohérent dans son univers. Mais c’est quoi ces choses pleines de sens ? C’est par exemple l’histoire du film. C’est la montée en puissance d’une menace. C’est un pays qui sombre en guerre civile. Ce sont des partis corrompus qui s’affrontent. Ce sont des hommes assoiffés de pouvoir et prêt à tout pour y accéder (cette scène où il tue le livreur est d’une force : « Je crois que tu ne le feras pas ! -Entrez. PAN » ). Ce sont des trahisons, des victimes et des meurtres. Ce sont des espions. Alors certes l'espion est un humain déguisé en tomate. Mais ce n’est pas ça qui compte, c’est ce que représente cet espion qui importe. C’est un pouvoir qui lutte contre un autre pouvoir. L’histoire est riche et complexe, elle multiplie les personnages et les entités qui poursuivent des objectifs différents, avec des ambitions et des moyens variés. Ce sont les scientifiques qui essayent de parer la menace. Ce sont les politiques qui s’adaptent. Bref il faudrait que je revoie le film pour faire une analyse plus précise des buts et des enjeux de chaque personnage. Mais mon objectif n’est pas là. Mon objectif est de montrer que simplement ces choses existent. Nous ne sommes pas face à une histoire fade et des personnages sans saveur.


Le film est mal joué me dit-on. Oui et non. Alors oui c’est mal joué si on se fixe les standards du cinéma traditionnel. Mais n’oubliez pas de ce film n’est pas un film de notre univers du cinéma véritable ! Iriez vous dire qu’un cartoon est mal joué ? Non, car cela n’a pas de sens de le juger comme ça. On juge différemment le faciès de ses personnages. Dans l’attt, quand un acteur joue on sait ce qu’il joue. Il nous montre l’émotion qu’il veut jouer. Il l’hyperbolise. La joie est incarnée dans le visage caricaturale des gens heureux. Ils transpirent littéralement ce qu’ils veulent nous transmettre. Mais leur manière de le transmettre n’est pas la même que celle des humains de notre terre véritable. Non c’est celle des gens de l’univers des nanars, celle des gens qui jouent mal, qui surjouent. Surjouer, ou mal jouer, c’est un code de l’univers des nanars. Le film l’utilise donc tout naturellement. Mais il l’utilise correctement. Il le fait pour transmettre simplement les bonnes émotions aux bons moments.


L’attt. Les tomates donc. Pourquoi des tomates, diable, pourquoi ? On pourrait penser que c’est une question de budget uniquement. Si le film avait eu beaucoup d’argent, aurait-il choisis des monstres fait de costumes alambiqués ou d’effets très spéciaux ? Je ne sais pas mais cela aurait à mon sens réduit la portée poétique et philosophique de l’œuvre. Ici, les tomates sont l’abstraction du méchant. Les méchants de nanar sont des méchants méchantueux (les requins, les samouraïs, les mort vivants, les extra-terrestres). Là le méchant est beaucoup plus abstrait. C’est une menace quelconque, que l’on pourrait tout à fait instancier par n’importe quelle entité méchante traditionnelle. Quiconque aurait bien l’amabilité de transporter l'attt de son univers vers le notre et les tomates en mort vivant fera du Roméro. Le film discute sans même le dire de la façon par laquelle se propage une menace, insidieuse. D’abord quelques meurtres et les tomates sont les ennemis numéro un. La police lutte, les meurtres se multiplient mais face au pouvoir des tomates les autorités deviennent impuissantes et elles progressent. Dans la sphère politique, le gouvernement est inactif (l'ordre du jour n'ayant pas été trouvé par les parlementaire tout le long du film). Les choses sont bloqués. Progressivement les tomates gagnent du pouvoir et se font entendre. En témoigne ce super gag : on ne se doute de rien en tant que spectateur quand un protagoniste charger de lutter contre les tomates va voir un haut placé. Celui-ci lui montre un tableau sur lequel le spectateur voit écrit de loin nouveau prototype révolutionnaire : tomate et nucléaire. Ouf une arme pour finalement détruire les tomates pense le protagoniste. Et nous aussi pense spectateur mais en rigolant car quand même des armes nucléaires contre des tomates. Zoom sur le tableau et on lit quelques lignes supplémentaires qui expliquent qu’en réalité ce dispositif aide à la croissance des tomates (serait-ce pour ça qu’elles sont plus grosses après ou il faut que je revoie le film ?) et leur permet de gagner en pouvoir sur le pays. Juste après devant notre surprise et celle du protagoniste, on entend le résultat d’un sondage à la radio : 37 contre 1 (ou quelque-chose comme ça) en faveur des tomates. Ça y est, elle se sont infiltrées partout et ne sont plus des ennemis d’après les politiques. Et c’est à ce moment-là que celui qui devait combattre les tomates s’est vendu au plus offrant (le Pétain du film quoi). Il a choisi le pouvoir à ses idéaux. Mais cela, le film ne nous le dit pas tout de suite. Non il faut attendre une révélation bien plus tard pour finalement le comprendre.


Ce personnage est complexe et bien écrit. Tous les personnages le sont. Ils ont une vraie personnalité, une vraie démarche, de vrais objectifs, une vraie situation et ils évoluent en parallèle tout au long du film. Plus on progresse et plus on les comprend, plus ils sont réellement eux. Par exemple le soldat aviateur est vraiment un soldat aviateur qui vient tout droit de la guerre mondiale. Il découvre comme nous ce nouveau monde (la télé, les marshmallows, …) et nous spectateur comprenons qu’il est plus qu’un gag. C’est un vrai personnage, qui n’est pas dans son univers mais qui essaye de s’adapter et qui lutte contre la menace. Un personnage qui se serait trompé de film mais qui s’adapte.


Le film nous surprend par sa technique. Il reproduit ce que l’on considère comme des erreurs (les acteurs qui jouent mal par exemple) et les utilise à sa manière. Le film maîtrise ses faux raccords et il les amplifie. Qui ose me dire qu’un tableau inexistant dans la salle qui tombe dans un aquarium qui n’a jamais été là est un faux raccord. Non, c’est un gag maîtrisé. Le film gère avec brio les règles de l’absurde. Il les utilise pour faire un nanar contrôlé. Par exemple ce montage immonde d’un demie seconde sur le plan d’un soldat au début du film : monsieur le monteur doit être un sacré stagiaire ahah. Mais le même monsieur nous sort plus tard une scène absolument brillantissime de coup de téléphone à quatre avec des dialogues emmêlés. C’est loin d’être un rigolo. Le film n’est pas drôle à cause de ses erreurs. Le film utilise montre qu’il contrôle les contôle pour s’en servir, faire avancer son propos, faire évoluer ses personnages et surtout faire rire le spectateur. (Sont-ce alors encore des erreurs ?). Les faux raccords, le montage approximatif, le surjouage, les dialogues sans aucun sens caractérisent le nanar. Il est donc tout à fait normal que l’attt utilise ces codes.


Les gags sont excellents, innovant même. Je n’en avais jamais vu de tel. Ces voitures qui roulent sans essences pendant une éternité ou cette pièce beaucoup trop petite pour n’en citer que deux. C’est fantastique et c’est très drôle. Ce film est drôle. Sincèrement. Il est drôle dans ses situations et dans ces excès subtilement maîtrisés. Des jeux de mots dont j’ai manqué la plupart, des idées innovantes et hilarantes (cette foule qui fait des aller-retours à chaque nom de ville envahie par les tomates). Des gags à n’en plus finir. Mais des gags fins. Des comédies musicales lorsqu’on s’y attend le moins (et par ailleurs très bien jouées et chantées, une gradation merveilleuse chez le haut placé et une autre peut-être encore plus sublime chez les militaires : scène sérieuse de militaires, ils se mettent subitement à chanter une chanson de guerre. Spectateurs hilares. Puis quelques secondes après ils commencent un show en mode boys band. Surprenant.)


Bref, ce film est assez-hors du commun et il m’a tout à fait conquis. Il va falloir que je songe à le revisionner très prochainement pour affiner cette analyse (car j'ai quelques théories (flash-back et menace communiste) que je n'ai pas pu développer faute d’éléments assez convaincants). Et surtout il va falloir que vous songiez à le visionner. Essayer, laissez-vous tenter et absorber par ce qu’il est. Soyez charitable et ne le jugez pas pour ce qu’il n’est pas. Acceptez ses choix et laissez vous charmer.

Ambaa
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le 28 mai 2019

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