C’est curieux l’effet que ça fait, voir un film plusieurs fois, et être partagé à chaque fois. La première fois, emballée, le petit ! La deuxième, un peu moins. La troisième, on ne sait plus quoi penser. J’ai été emballé parce que c’était le film le plus cool que je voyais cette année là, et j’avais besoin de cette légèreté là, ce jour là. Je me suis dit, je me rappelle :
« C’est pas un film français. C’est trop cool. Le cinéaste doit être espagnol, ou je sais pas…belge peut-être? »
J’avais pris le film en cours, sur le câble, (c’est vieux). Et j’ai pris un vol direct pour Barcelone, sans décoller du fauteuil, sans réfléchir. J’avais l’impression d’être en vacances. J’étais Romain Duris, étudiant, j’étais amoureux de Martine/ Audrey Tautou. Tout le monde il était beau, tout le monde il était gentil. Et cette auberge avec toutes les langues qui se rencontrent, se mêlent, mais ou on parle surtout l’anglais et le français, c’est ce dont j’avais besoin. Une BD branchée, bobo, néo baba, carte postale, drôle parfois, mais c’est pas le plus fort. Un lieu où le problème le plus sérieux de la journée, c’est de savoir qui laisse traîner ses poils intimes dans la salle d’eau, ça donne envie de redevenir étudiant. Ça fait rêver, revivre ces années de liberté insouciante, la vie en communauté, même si parfois il faut aller en cours. Les cours, c’est chiant.
Pourquoi le charme est retombé soudain ? Beaucoup de film qui n’ont aucune prétention résistent plus facilement au temps, pourquoi pas celui-là ? Et bien je crois que l’esthétique un peu publicitaire choisit par Klapisch donne à son film un certain charme, et le rend décoratif en même temps. Avec le temps, l’un prend rapidement le pas sur l’autre. La beauté de Barcelone sur plage, les palmiers, l’architecture baroque, la Sagrada Familia, le soleil, tout ça nous joue un tour, et on ne regarde que ça. Barcelone by night, le filtre bleu qui fait Ibiza blue, la fiesta. Tout ça avec force inserts, et jeu de cadrage, pour rendre cela encore plus fun. C’est fun. C’est tout. Et puis il y a la bande de jeunes sympas. Outre le capital sympathie, on ne trouve pas grand-chose.
Sur le tard vers la fin du film, on comprend le propos. L’Europe qui n’arrive pas à communiquer à cause de la barrière culturelle, et surtout linguistique, tout le monde l’avait compris, mais il surligne en gras, Cédric, avec un feutre rouge, pour bien nous le faire comprendre.
Et Duris se retrouve seul devant sa machine à écrire, pour écrire son livre, et raconter son auberge espagnole, à lui, son bordel, pas si bordel que ça. Ça pète pas trois pattes à un canard, mais le film annonçait la couleur dès le début, il a le défaut de ne pas décoller de son postulat de départ. L’Europe c’est un bordel autant en rire un peu. Duris se défend bien, le rôle a été écrit pour lui. Cécile de France en lesbienne-meilleur pote l’éclipse de l’écran ; son personnage à elle est beaucoup plus intéressant, et mériterait à lui tout seul un autre film. Judith Godrèche en godiche coincée, j’y ai pas crût. Une fois le charme passé, on ouvre les yeux. C’était mais deuxième vision du film.
On sait à croit s’en tenir dès la deuxième vision d’un film, la troisième sert de piqûre de rappel. Comme ce film est bourré de réminiscences affectives pour nous toucher au cœur, on y va. Romain Duris/Tintin qui passe son temps à courir, Martine qui vient le rejoindre en vacances à Barcelone, la maman baba cool, l’ambiance cool elle aussi. La mise en scène, elle coule en pente douce, est devient aussi peu concernée que nous par l’histoire. Comédie, une de plus.