D’un humour froid, plein de chaleur humaine, à coup sûr un excellent film qui pose avec beaucoup de sensibilité, sans sensiblerie, une question oh combien d’actualité de ces êtres qui errent à travers l’Europe pour fuir des pays où ils ont perdu toute attache, ou d'un être qui fuit tout autant à l'intérieur de ses propres frontières un foyer dont il n'attend plus rien. Kaurismaki ne nous donne aucune leçon, nous dit sans s’appesantir sur le pourquoi d’une telle situation, comment en se débattant contre un destin qui les accable deux êtres que rien ne prédestinait à se rencontrer redonnent du sens à une vie qui en avait perdu. Un film noir qui ne fait pas appel à nos larmes, il nous fait même sourire alors que pas le moindre sourire ne perce sur le masque des personnages, sauf peut-être sur l’image finale au moment où on s’y attendrait le moins. Face à toutes les violences : d’État, des individus, de la bêtise, de l’indifférence, de la cupidité et de la veulerie, de la vie simplement, qui n’épargne pas grand monde, la main tendue tout naturellement, sans autre prétention que de reconnaître en l’autre un semblable par delà tout ce qui pourrait opposer, et de la part de celui ou de celle dont on l’attendrait le moins.
Kaurismaki filme la vie dans toute sa médiocrité et toute sa grandeur grâce à ce peu de choses qu’est simplement un regard porté sur ce que nous avons trop tendance sans doute à refuser de voir. En sortant de la séance, c’est certain, notre regard sur le monde est changé. C’est là le signe d’une grande œuvre.
Mais le film c’est aussi un objet : des images, des sons, des mouvements, des éclairages. Ici tout est à l’unisson, dès le premier plan d’une noirceur absolu (le héro émerge d’un tas de charbon), jusqu’au dernier lumineux comme si l’esquisse d’un sourire suffisait à redonner l’espoir d’un autre monde ici et maintenant. L’auteur prend son temps, sans paroles inutiles, sans accumulations de plans, ni gesticulations de caméra, à l’instar des personnages qui en paraissent presque absents, ponctue d’une musique d’un autre temps le déroulement des destins, et fait d’une œuvre, ancrée dans le présent, une œuvre intemporelle qui nous concerne tous et nous interroge.

Douncin
8
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le 19 mars 2017

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Douncin

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