"La caresse est l’attente de cet avenir pur"

Ça commence comme une mauvaise blague, un mauvais film d’auteur français tout plein de clichés et de vanité, ce genre tant décrié, tant rejeté et tant attisé ici qu’il en donnerait presque raison à ses détracteurs. Soit un couple de quinquagénaires bien installés avec deux enfants équilibrés et intelligents, professeurs de philo dans des lycées tranquilles à peine troublés par quelques élèves en pleine revendication sociale pour leur future retraite, un joli appartement près des Buttes-Chaumont et une jolie maison en Bretagne, des livres partout aux murs et sur les tables basses… On parle bien, on se tient bien, on écoute du classique, on est éduqué.


Et puis un jour, monsieur décide de quitter madame parce qu’il en a rencontré une autre. Pour madame, pour Nathalie, au-delà du désarroi de la rupture, c’est comme une seconde vie qui commence, une remise à zéro. Et le film de partir alors dans une autre direction, chronique feutrée d’une femme qui se (re)cherche et se (re)trouve. L’avenir pour elle aujourd’hui, c’est cette "difficile liberté" (celle écrite par Emmanuel Levinas et qu’elle lit dans le train) qu’elle se doit de conquérir en gérant comme elle peut son frais célibat, quelques déconvenues professionnelles, la mort de sa mère puis la naissance de son petit-fils. Alors elle y va Nathalie, elle trottine, elle nage, elle court, elle prend des bus, des trains et des taxis. Elle bouge sans arrêt.


Mia Hansen-Løve la regarde avancer, pleurer, se cogner, battre en retraite, un peu perdue, en décalage avec les idéaux libertaires d’aujourd’hui incarnés par cet ancien élève devenu jeune fermier (!) et libre penseur (!!) dans le Vercors (!!!), la regarde s’interroger, elle l’ancienne coco de mai 68 devenue intello-gaucho parisienne sous Sarkozy et qui peine à retrouver ses marques dans les mutations de la société et ses récents mouvements contestataires. Hansen-Løve, entre moments gracieux, scènes maladroites (la fille qui met son père face à son adultère, la drague au cinéma et dans la rue…) et résonances philosophiques (Pascal, Rousseau, Jankélévitch…) parfois trop signifiantes, tente de saisir la nouvelle ligne personnelle de Nathalie, sur le fil.


Il faudrait maintenant évoquer le cas Isabelle Huppert, LA Huppert qui semble désormais, et depuis pas mal de films déjà, jouer de la même façon. Pas mauvaise évidemment, c’est Huppert, mais toujours la même ; cette même façon de s’exprimer, de pousser un cri, de bouger, de marcher, assez raide dans ses gestes et son port de tête… Huppert ne sait plus faire que du Huppert, c’est triste. Monolithique dans son jeu, invariable dans sa partition, figée même quand elle rit. C’est un fait : Huppert ne surprend plus. Certes, elle traverse le film avec allure et énergie, mais celles-ci sont comme vidées de matière. Dépossédées.


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mymp
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le 15 avr. 2016

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