The Wonderful Country est un western vraiment bizarre : il y a un décalage étonnant entre ce qu'il aurait pu être, dans le fond, une puissante décharge mélancolique autour de la condition de Robert Mitchum, tiraillé entre deux pays et deux vies, et ce qu'il est, sur la forme, à savoir un western dont la mise en scène peine à magnifier sa teneur théorique. Ce n'est pas de l'ordre de l'indigence technique, loin de là, mais disons que Robert Parrish ne donne jamais vraiment toutes ses chances au contenu qui ne demande qu'à bourgeonner et éclore.


Et pourtant, le film dispose de nombreux arguments en sa faveur. Un personnage presque apatride, un Américain exilé au Mexique pour des raisons obscures qui seront révélées peu à peu au cours de l'intrigue, comme un étranger éternel avec sa tête mise à prix des deux côtés de la frontière. La question de l'identité, si elle est concentrée dans les va-et-vient du protagoniste, se retrouve essaimée un peu partout ailleurs, dans la présence de personnages secondaires Noirs ou Indiens — l'occasion d'une (seule et unique) scène d'action très efficace, très bien filmée. C'est une des branches auxquelles on se raccroche dans la première partie, le scénario étant relativement complexe, éparpillé, diffus, et son aspect confus sciemment entretenu.


La carte de la mélancolie est jouée très régulièrement, mais avec une sobriété qui permet un tel usage. Dans les traversées récurrentes des grandes étendues désertiques, magnifiquement cadrées sur la nature américaine, ou dans celles du Rio Grande que Mitchum franchira à plusieurs reprises, il tente même le lyrisme romanesque. C'est d'ailleurs la cristallisation d'une autre thématique essentielle du film, le questionnement moral du personnage principal qui a toutes les peines à trouver le mode de vie et les idéaux qui lui conviennent. Il est tiraillé entre son passé par-ci, un amour et des amitiés par-là, entre Mexique et États-Unis.


La femme qui suscitera une certaine émotion incarne aussi fortement que spontanément cette incertitude mélancolique : "I'm always betrayed by hope", dira Julie London, prisonnière d'un mariage qui ne la satisfait vraisemblablement pas, et à qui Mitchum répondra sereinement "What we feel is not wrong". À la fin, alors qu'il achève sa monture blessée et qu'il dépose ses armes, sa traversée du Rio Grande prendra des allures de renaissance sereine, empreinte de méditation et de réflexion sur sa condition. En toute sobriété.


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/L-Aventurier-du-Rio-Grande-de-Robert-Parrish-1959

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le 20 avr. 2018

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Morrinson

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