Vous n'êtes pas plus féru d'histoire de France que ça ? Vous mélangez sans vergogne les serviettes bourbonnes avec les torchons orléanais (ou lycée de Versailles comme on disait dans le temps) ? Vous n'avez aucune idée de qui est Philippe V et s'il a précédé ou pas Henri VII ? Et vous vous moquez comme de votre première chemise du destin du duc de Condé ou de tout autre emperruqué de l'époque ? Ne prenez pas la poudre d'escampette - comme dirait l'autre -, ce film peut quand même vous intéresser.
Car loin d'évoquer un des grands épisodes de l'Histoire de France, il s'attache au contraire à un micro évènement dont les livres d'histoire ont fait peu de cas, mais qui est tout à fait passionnant d'un point de vue romanesque (le film étant d'ailleurs adapté du roman éponyme de Chantal Thomas).
Le sujet ? La façon dont la mécanique de l'état a pu se mettre en marche lorsqu'il s'est agi de préserver la filiation royale. Car en cette année 1712, les différents successeurs au trône de France ont été emportés par la variole ou la rougeole, laissant seul en lice le tout jeune Louis XV âgé de 2 ans et la gestion de la maison France aux mains du Duc d'Orléans devenu Régent de la Couronne. Dix ans plus tard, alors que la cour se réinstalle à Versailles, l'entourage de Louis XV alors pré-adolescent se décide à lui trouver une future reine. Il ne s'agirait quand même pas que le jeune monarque nous fasse une petite variole à son tour sans laisser d'héritiers dignes de ce nom ! Sauf que la raison d'état à ses raisons que la raison ne connait pas : voici notre Louis XV pas encore démoulé fiancé à une princesse de 4 ans ! L'Infante d'Espagne Marie-Anne Victoire, fille de Philippe V d'Espagne, lui même fils du grand Louis XIV et à ce titre prétendant en première ligne au trône de France : autant dire un parti à se mettre dans la poche plutôt qu'à dos.
Afin de parfaire cette union royale opportuniste à défaut d'être opportune, le Duc d'Orléans - joué ici avec une certaine gourmandise par un Olivier Gourmet parfait en entremetteur de ces deux - en profite pour mettre dans la balance matrimoniale un deuxième placement à long terme : sa propre fille de 15 ans, Louise Elisabeth, destinée à Louis 1er le fils de Philippe V (autrement dit le frère de Marie-Anne Victoire, vous suivez ?). Et faire en quelque sorte d'une pierre deux coups.
C'est donc cet épisode, cet Échange des princesses, que raconte le film. Et c'est plutôt bien raconté.
On suit avec intérêt le deal diplomatique ourdi par le duc d'Orléans et le comportement des jeunes personnages dans cette double union arrangée qui les dépasse. Avec une mention particulière pour Juliane Lepoureau qui apporte à son rôle de reine-poupée prestance et ingénuité.
Dans ce scénario en deux temps, cet aller-retour des princesses en royaume étranger, c'est indéniablement la première partie que j'ai trouvée la plus intéressante. Ce jeu de marionnettes, les rouages de l’État et leur mécanique parfaitement huilée.
Dans la deuxième partie, le film tend à s’essouffler. La réalisation est moins convaincante, le récit moins intéressant et les personnages pourtant bien campés au départ n'arrivent pas à atteindre la profondeur psychologique qu'on pouvait attendre. On a le sentiment de rester à la surface des choses et la mise en scène elle-même, loin de densifier le film comme on pouvait l'espérer à la fin d'une première partie passionnante, donne au contraire dans la redite avec des procédés par trop répétitifs (contre-plongées sur ciel nuageux, longs plans forestiers) ou inutiles.
Le film tire ainsi en longueur jusqu'au retour abrupt des princesses dans un plan final quant à lui plutôt réussi qui contraste avec le cérémonial de la rencontre initiale :


la variole a gâché une nouvelle fois la fête, le rêve est fini et les carrosses se croisent sur le chemin du retour au bercail dans la plus parfaite indifférence.


Un film à l'image de l'histoire qu'il raconte : asymétrique.
Mais loin d'être inintéressant.


Personnages/interprétation : 7/10
Histoire/scénario : 7/10
Mise en scène/réalisation : 7/10


7/10

Theloma
7
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le 4 janv. 2018

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