On le connait moins que son petit frère Le Labyrinthe de Pan, pourtant L'Échine du Diable pose les jalons que ne manquera pas de suivre le classique de Guillermo Del Toro. L'Histoire de l'Espagne comme incubateur d'une fable fantastico-gothique, doublée d'une parabole édifiante sur la fin de l'enfance. Le cinéaste mexicain frappe fort parce qu'il tient une ligne liant le réel au féérique et il le fait sans jamais céder aux travers à base de jump scares faciles et de manichéisme pompier. Ne comptez pas sur le film pour ménager ses personnages, surtout les plus jeunes. Ils sont les premières victimes de la Guerre Civile et du cloaque Franquiste, dont les ombres planent sur tout le film (remarquable métaphore de l'obus, menace frontale, sourde et constante).
Les stigmates du déchirement social est transposé dans l'univers lugubre mais empreint d'une certaine magie que Del Toro développe pendant 1h50. L'Échine du Diable rappelle auxquels on tient le plus sont généralement ceux qui nous sont les plus familiers : spectre du conflit, présence fantasmatique des morts, cruauté humaine planquée au fond des eaux ou derrière les regards avides ou phallocrates. Jouant avec les idées reçues, le film n'est jamais plus effrayant qu'en plein jour, quand les masques tombent sous le soleil écrasant. Soyez rassurés, vous aurez également peur la nuit, lorsque les traumas et secrets remontent à la surface. Les morts ne sont terrifiants qu'au regard des crimes auxquels ils sont liés. Ce sont bien les actes auxquels se livrent les vivants qui hantent les esprits.
Dans la carrière de Del Toro, ce troisième long-métrage est d'importance comparable à ces opus les plus célébrés, puisqu'il est peut-être le premier à avoir su condenser toutes ses forces en tant que (grand) conteur. Le style véloce mais précis, le récit métaphorique, le mélange de fiction teinté de réalisme, d'effets pratiques et de d'images de synthèse, de tendresse et de dureté, d'ombre et la lumière. Tout était là, en germe.