On sait d'avance que ce n'est pas un film comme les autres, un peu Dans la peau de John Malkovich, un peu Pater, un peu Grosse fatigue, bref l'exercice décalé d'une fausse fiction avec une vraie personnalité dedans et dans son propre rôle, auto-ironie et rire garantis.

La fiction est là, mais la réalité aussi. Il semble bien que ce soit le vrai Michel Houellebecq mal fagoté que l'on suive dans la rue, chez lui, et qui se retrouve séquestré dans un pavillon de grande banlieue, à moins que ce ne soit dans le Loir-et-Cher... On peut alors choisir de lire le film de deux manières, soit un portrait en creux de l'écrivain tourmenté, soit une variation sur le misanthrope médiatisé, pensées créatrices versus saillies cinglantes. Mais le plus malin serait de mêler les deux lectures pour savourer le menu complet, poire et fromage en quelque-sorte.

L'enlèvement de Michel Houellebecq est surtout un film rigolo et absurde dont l'improbable argument nous rend complice du jeu disputé entre l'écrivain et ceux qui lui donnent la réplique. Le syndrome de Stockholm fonctionne dans les deux sens, chacun oubliant puis se rappelant quel est son rôle dans cette histoire idiote.

Houellebecq fume et picole, mange à tous les râteliers, répond aux questions de ses ravisseurs et s'intéresse à ceux qui l'entourent, le père Polonais, son épouse, le body-builder, le pratiquant d'arts martiaux, puis il s'engueule avec les mêmes, les envoie chier, se fait envoyer chier, tout le monde s'embarquant sans arrière pensée dans des empoignades alcoolisées. C'est un vrai foutoir mais une vraie humanité qui évolue en vase clos, chacun parvenant à se confier, à faire partager aux autres un peu de lui.

Le film rend Houellebecq sympathique sans qu'on ait le sentiment de se faire avoir. Par la sincérité ludique qui l'habite et l'habileté de Nicloux à ne pas prendre les spectateurs pour des cons, le plaisir partagé par tous se fait drôlement communicatif. C'est le principal, finalement.
pierreAfeu
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le 22 déc. 2014

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pierreAfeu

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