Alec Leamas dirige la cellule du renseignement britannique à Berlin Ouest. Check Point Charlie. Il est planté là, au beau milieu de la nuit, à la frontière avec Berlin Est, attendant que son agent Riemeck, infiltré de longue date en union soviétique, lui rapporte des microfilms. La guerre froide bat son plein. Déjà vingt quatre heures qu'il devrait être là. Ça ne l'inquiète pas plus que ça. Il sait très bien que la ponctualité est un luxe que les espions ne peuvent pas s'offrir. D'autant plus de ce côté du mur où la paranoïa et la suspicion régissent les comportements et ralentissent les va-et-viens entre les deux blocs. Le redoutable chef du contre-espionnage soviétique, Hans-Dieter Mundt, a posé sa patte sur la ville et veille. Quand finalement Riemeck pointe à la frontière, il est criblé de balles communistes. A partir de cet incident un vaste complot visant à mettre Mundt hors d'état de nuire est organisé par les services secrets de sa Majesté.
La suite révèle quelques points clé du film et s'adresse aux lecteurs, ayant soit lu le livre où vu le film, nécessitant quelques éclaircissements (ça m'étonnerait que ça serve à beaucoup tant l'un et l'autre sont suffisamment clairs). Le plan des renseignements britanniques consiste à se servir de l'alcoolisme et de la nonchalance de l'agent Leamas pour le faire passer pour transfuge aux yeux des soviétiques. La volonté à l'Est est de retourner, récompense pécuniaire à la clé, l'espion apatride et de lui soutirer des informations compromettante. A l'Ouest elle est d'instiller le doute dans la partie adverse quant à la nature d'agent double de Mundt et d'espérer une élimination en interne. Elle repose sur la suspicion et la haine que l'agent rouge de confession juive Fiedler porte à son homologue Mundt formé aux jeunesses Hitlériennes). Je ne révèlerai pas le coup de théâtre final.


L'adaptation de Ritt est très fidèle à l'intrigue et à l'esprit du bouquin de John Le Carré. Comme toujours chez l'écrivain britannique il est question de jeux de dupes, de manipulation, d'âme en peine et de désespoir. D'un vaste numéro de marionnettes où les instances supérieures (quel que soit le camp) n'hésitent pas à manipuler leurs agents en tirant sur les ficelles fragiles et perverses des sentiments (Leamas et Perry qui s'éprennent l'un de l'autre) et à réveiller leur peur, leur angoisse et leur colère (Fiedler et Mundt). Burton est une nouvelle fois excellent. C'est presque du sur-mesure : il est magnifique abattu, ivre, sombre, froid ou tendre. Côté mise en scène, Ritt, qu'on ferait bien de réévaluer, exalte notre claustrophobie avec celle de ses personnages ; plombés par la sobriété d'un noir et blanc plus noir que blanc, toujours cloîtrés entre quatre murs, ils sont prisonniers sur l'échiquier politique. On s'ébat avec eux à la recherche de lumière et d'oxygène. On suffoque avec eux.

blig
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 17 oct. 2014

Critique lue 1.1K fois

7 j'aime

blig

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

7

D'autres avis sur L'Espion qui venait du froid

L'Espion qui venait du froid
Morrinson
7

James Bond, alcoolique, passe à l'Est

"L'Espion qui venait du froid", c'est pour moi le meilleur James Bond. Ou, pour le dire autrement et de manière moins incisive ou ironique ou provocatrice, c'est un des meilleurs films que j'ai vus...

le 12 oct. 2016

7 j'aime

L'Espion qui venait du froid
Ugly
6

Alec Leamas, l'anti Bond

C'est l'exemple même du film d'espionnage froid et calculateur, à cent lieues de James Bond, qui décrit un univers sec, presque déshumanisé et d'où les gadgets fantaisistes sont exclus. Le...

Par

le 24 oct. 2016

7 j'aime

L'Espion qui venait du froid
blig
6

Le pion qui soufflait le froid

Alec Leamas dirige la cellule du renseignement britannique à Berlin Ouest. Check Point Charlie. Il est planté là, au beau milieu de la nuit, à la frontière avec Berlin Est, attendant que son agent...

Par

le 17 oct. 2014

7 j'aime

Du même critique

Cinquante Nuances de Grey
blig
2

Le loup de Balls Street

Conversation téléphonique longue distance Seattle-New-York, une nuit chaude et électrique du mois de mai, entre un maître dominateur et son élève : Maître, Anastasia est partie... La pute...

Par

le 15 févr. 2015

278 j'aime

25

Le Labyrinthe
blig
3

The Naze Runner

- Tu t'appelles comment? - Je sais pas. - Lui c'est truc, lui c'est bidule. Eux ce sont des "runners", eux des paysans, eux des constructeurs. Comment t'as dis que tu t'appelais déjà? - Je sais...

Par

le 13 oct. 2014

250 j'aime

54

Kingsman - Services secrets
blig
7

Nique Fury

Qu'il soit gentleman ou pilier de comptoir, on interrompt jamais un homme qui boit une Guinness. Ça ne se fait pas, tout simplement. Manners Maketh Man. D'ailleurs on ne boit pas une Guinness, on la...

Par

le 18 févr. 2015

205 j'aime

8