Je rattrape petit à petit la filmographie de Kechiche en prenant mon temps. J'avais vu La Vie d'Adèle il y a 2 mois et j'avais beaucoup aimé. J'ai déjà parlé des deux Mektoub My Love, si vous voulez lire mon avis.
L'Esquive est vraiment excellent.
L'histoire de jeunes de banlieues et leur quotidien. J'ai beaucoup ri de certains malaises installés tout au long du film, notamment dans les scènes de tension entre les personnages. Quand, par exemple, Fathi confond Nanou avec Lydia et qu'il l'installe dans la voiture, c'est hilarant tant le quiproquo rend Fathi complètement perdu dans l'embrouille principale. D'autres scène aussi drôles que touchantes ponctuent le film.
Krimo est touchant par sa timidité et son manque de communication. Je me retrouvais totalement en lui.
Les acteurs sont tous très bons mais je trouve que Sabrina Ouazani est celle qui sort le plus du lot. Elle a un naturel qui l'emporte sur tout le reste.
Kechiche est un maitre du gros plan, faisant ressortir les impuretés des visages mais qui vient tirer également toutes les facettes des personnages, de leur sourire aux larmes qui coulent. C'est un naturalisme totalement efficace qui vient embrasser les acteurs et transporte les spectateurs avec eux. On a l'impression d'être avec eux dans la classe ou dans la cour de la cité.
La musique n'est jamais présente à part à la fin et elle ne manque jamais. Le silence berce le film et renforce ce naturalisme. A quoi bon rajouter des violons ou je ne sais quel instrument qui alourdirait les scènes alors que le vent ou les bruits de pas se suffisent ?
Le film est également sublimé par un discours sur les différences de classe, mis en parallèle avec la pièce de Marivaux (que j'ai pas lu) dont la professeure explique à la classe (donc aux spectateurs qui ne connaitraient pas la pièce) le sous-texte. Le parallèle est donc fait avec la représentation. Krimo, en pauvre jeune homme de cité, est incapable de jouer le noble élégant.
Les jeunes de banlieue parlent avec leur langage propre à eux, le mélange français/arabe, les insultes faciles, le vulgaire. C'est dit avec tellement de conviction que je me demande si les dialogues ne sont pas totalement improvisés. Mais je trouve ça formidable. Ces jeunes qui subissent également le racisme et la répression policière injustifiée.
Enfin, le film se ponctue par Lydia qui part au loin, filmée de dos par la caméra. Je remarque que Kechiche ponctue La Vie d'Adèle et Mektoub My Love de cette manière, toujours une femme qui marche, s'en va (même s'il y avait Amin qui accompagnait Charlotte dans MML).