Absolument fanatique de l'univers Kechichien, - et du jeu de cette douce et explosive Forestier, pour laquelle j'ai un attachement particulier - il était de mon devoir de visionner l'Esquive, cette oeuvre dont tout le monde a tant fait les louanges.
L'effet d'annonce ayant été vraiment vendeur, je me suis trouvée un peu déçue. (Voilà, c'est dit).

Dès la première scène, (ayant moi-même grandi en quartier), j'avais cette tenace sensation d'entendre un langage caricatural des gosses avec lesquels j'ai grandi et malheureusement, celle-ci ne m'a pas lâché de tout le film. Il a donc fallu dès lors, véritablement, que je lutte avec elle pour tenir jusqu'à la fin... Fin qui elle aussi m'a légèrement déçue. (Ah).

En effet, si le film se nomme l'Esquive et - on l'aura compris - si le personnage ne cesse de prendre la fuite tout au long face à ses peurs, notre cher cœur de spectateur s'attend tout de même à un léger dépassement de soi de la part de Krimo, l'amoureux transi, (particulièrement après la scène où son professeur l'invite littéralement à sortir de lui) qui aurait servi, non seulement de rebond à l'histoire, mais aussi de morale ; car le film fait finalement naître une certaine frustration et porte lui une impression d'inachevé. (Pas bien).

Hormis cela, la mise en abîme avec cette magnifique pièce de Marivaux est bluffante, et le jeu d'aller-retour entre les deux types de langages crée des scènes extrêmement drôles et touchantes, proches de l'absurde.
L'extrême vulgarité vient quant à elle illustrer des moments d'émotions fortes (colère, doute, peur, joie...), servant ainsi de garde-fou et s'imposant comme le seul moyen d’extériorisation possible lorsque l'on manque de mots à poser sur ses souffrances. C'est d'ailleurs peut-être la seule compréhension de cette donnée qui m'aura permis de faire abstraction de son côté caricatural.

La réalisation quant à elle sert parfaitement l'histoire, discrète mais imposante lorsqu'il le faut, avec de gros plans rares et judicieux, qui exaltent les émotions les plus fortes du film. Une caméra à l'épaule un peu nerveuse qui va à ravir à l'ambiance et l'univers du film, et qui donne cette curieuse impression parfois de voir certaines choses qui auraient du nous être cachées, à l'origine.

En somme un film tout de même prenant, avec de nombreuses scènes ultra-réalistes et poignantes (notamment celle du contrôle de police et de la dispute entre Sabrina Ouazani et Hafet Ben-Ahmed). Avec un jeu d'acteurs qui pour certains d'entre eux frôlent véritablement la perfection, et une histoire qui, si elle peut sembler déjà vue, est traitée sous l'angle particulier de Kechiche, et confère donc toute son originalité au film.

A voir, donc.
Cassandra1
7
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le 16 févr. 2014

Critique lue 353 fois

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Cassandra Conti

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