Je profite de la sublime réédition de La Rabbia sortie récemment pour revoir une énième fois ce petit bijou du cinéma Japonais et de ce grand monsieur qu'est Takeshi Kitano. Après s'être fait une réputation de dur à cuire en occident, Kitano raccroche les flingues pendant 2 heures et nous livre son œuvre la plus personnelle, douce et drôle à la fois. L'été de Kikujiro nous conte l'histoire de Masao, un petit garçon timide et réservé qui vit à Tokyo avec sa grand-mère. Les vacances d'été sont là, ses amis partent tous en vacances et il se retrouve à passer ses journées seul à s'ennuyer. Il décide alors de retrouver sa mère partie travailler au loin avant de se faire rattraper de justesse par une ancienne voisine qui va charger son petit-ami, un ancien Yakuza bon à rien vivant à ses crochets, de l'accompagner.


Kikujiro est en effet un personnage grossier, voleur, impertinent, bagarreur, truqueur... Il semble avoir tous les vices. C'est d'ailleurs l'un d'eux qui l'amène sur les terrains de courses de vélo à peine l'enfant confié à ses soins. Il va y perdre quasiment tout l'argent qui lui a été donné avant de prendre la route avec Masao. Sous forme d'un journal scolaire estival, le jeune garçon illustre alors les moments passés avec Kikujiro et les rencontres fortuites qui parsèment son périple. Un voyage qui ne sera pas de tout repos puisqu'ils se retrouvent en permanence sur des routes désertes à faire de l'auto-stop. Kikujiro ne semble pas du tout à l'aise avec les enfants et ne connait pas la politesse, préférant élaborer des plans foireux, voir dangereux, plutôt que de dire "s'il vous plait" ou "merci". Pour arriver à ses fins, Masao se retrouve d'ailleurs souvent utilisé. Le jeune garçon semble tout de même s'attacher à son vieux compagnon et s'amuse à ses dépens.


La fin du parcours ramènera malheureusement les deux personnages à la dure réalité. Une première pour le petit et du vécu pour Kikujiro qui aura pour effet de l'attendrir un peu et de le rapprocher doucement de Masao. On aperçoit alors deux personnages empruntant le même chemin, l'un qui commence à le fouler et le second qui l'a déjà bien arpenté tombant dans la déchéance la plus totale; deux hommes de génération différente, au caractère bien différent mais très proche par les aléas de la vie qu'ils partagent. Kikujiro décide alors d'offrir au petit une fin d'été inoubliable à travers de petits jeux puérils très amusants organisés avec l'aide d'un voyageur et deux motards un peu benêts rencontrés au hasard sur la route.


Pourquoi œuvre personnelle? Parce que Kitano a donné à son personnage le nom de son père qu'il a très peu côtoyé dans son enfance. Les conversations étaient quasiment inexistantes et son père était également plein de vices dont l'alcool et les femmes. C'est une chose qu'il n'a jamais comprise en étant jeune et qu'il a essayé d'appréhender après sa mort. En s'imaginant dans la peau de son père (ou d'un homme s'en rapprochant), il essaie peut-être de mieux saisir ses faits et gestes. Sans jamais verser dans le sentimentalisme larmoyant et toujours en érigeant une barrière invisible entre lui et le môme, il arrive avec L'été de Kikujiro à nous livrer une histoire touchante et très drôle à la fois avec bon nombre de scènes inoubliables, très subtile et réaliste, typiquement japonaise dans la façon de communiquer et d'exprimer (sans en montrer trop) ses états d'âme. Une anecdote sur le film raconte d'ailleurs le choix de Kitano pour le rôle de Masao et la difficile communication en dehors des plateaux. Il ne voulait pas d'un jeune acteur déjà formé et talentueux qui passait bien à l'écran, il a alors jeté son dévolu sur un garçon à l'air un peu nonchalant mais plus naturel qui le rend plus facilement attachant. N'hésitant pas à le comparer à un chien errant qu'on recueille, dont on n'attend pas à ce qu'il soit heureux et se mette à jouer tout de suite mais à être avant tout attendrissant. Le jeu venant naturellement en lui montrant un os. Un franc-parler et un sens de la comparaison propre au réalisateur nippon. On se retrouve également une nouvelle fois bercé par les mélodies magnifiques de Joe Hisaishi. Un duo parfait qui jusqu'à Dolls, sorti en 2002, n'aura eu de cesse qu'à nous épater, deux hommes qui étaient indéniablement destinés à se rencontrer et à collaborer ensemble et qu'on aimerait retrouver au moins une fois de plus à l'avenir.

-Jun
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le 20 avr. 2018

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