L’étrange créature du lac noir, souvent considéré, à tort, comme un film de seconde zone, était la bobine qui a ramené sur les devants de la scène les studios Universal qui s’étaient fait complètement bouffer par la Hammer. 13 ans séparaient ce long-métrage de Le loup-garou, sorti en 1941, et il fallait que Universal se ressaisisse pour revenir sur les devants de la scène. On considère même souvent la 3D comme élément de guerre cinématographique du 21ème siècle, et pourtant L’étrange créature du lac noir utilisait déjà la stéréoscopie, et quoi de mieux comme idée que de restaurer l’une de ces bobines en relief, voire même l’une des meilleures, afin de prouver qu’en 60 ans, même si la technique a évolué, les façons de filmer des réalisateurs n’ont guère évolué ?
Côté histoire il n’y a rien de vraiment surprenant, le spectateur ayant devant lui un mélange de La Belle et la Bête (la femme développe une pitié tandis que la créature semble irrémédiablement attirée vers elle) et de Moby Dick, le leader du groupe voulant, envers et contre toute logique attraper la bête, quitte à y laisser sa vie, et celle des autres.
Ce qui en revanche stupéfait c’est évidemment la restauration, mais surtout l’usage d’un noir et blanc particulièrement efficace lorsqu’il s’agit de mettre en place une angoisse (on comprend que le directeur de la photographie, William E. Snyder, ait été nominé 3 fois aux Oscars), que les plans soient sous-marins ou non. D’ailleurs on ne peut que saluer le travail fait dans l’eau, véritable prouesse technique pour l’époque, que ça soit pour filmer ou diriger les acteurs.


Evidemment il est clair qu’en France le métrage n’a pas la même réputation qu’aux Etats-Unis. Beaucoup le connaissent vaguement par chez nous par le biais du flipper à succès qui en a été inspiré, mais peu l’ont vu, et avec le recul il est dur d’adhérer à cette créature en latex et ces décors en carton-pâte, même si tout était à la pointe de la technologie à l’époque. Les grands discours et montées de testostérone sont aussi là pour nous rappeler l’âge de la pellicule, tout comme sa bande originale, efficace mais ne se distinguant pas des autres de l’époque pour la bonne raison qu’Universal a utilisé de la musique libre de droit (les compositeurs derrières ces morceaux ne sont pourtant pas des bleus-bites, que ce soit Milton Rosen ou Hans J. Salter, ayant bossé tous deux sur King Kong contre Godzilla).
L’étrange créature du lac noir avait beau être un projet manquant d’originalité, son réalisateur Jack Arnold ne manquait quant à lui pas d’audace. Mieux, il a réussi à ajouter le nom d’une nouvelle créature à la collection Universal, ce que personne pensait possible dans les années 50. Et encore plus fort, il a usé d’une technologie qui peut se permettre aujourd’hui d’être savourée dans de meilleures conditions qu’avec des lunettes rouges et bleues. Que ça soit pour rigoler ou découvrir une perle du cinéma d’épouvante d’antan, ne loupez pas le bateau qui vous emmènera jusqu’à cette lagune noire où vous attend une créature aux griffes acérées, ainsi que la sublime Julie Adams, d’une beauté tout simplement époustouflante.
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le 19 oct. 2012

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