À travers les murs et la chair
Après le très intéressant et expérimental "Amer" Cattet et Forzani reviennent avec "L'Étrange couleur des larmes de ton corps", un film que j'attendais énormément, j'espérais une évolution de leur cinéma, quelque chose de plus structuré (la bande annonce laissait en tout cas garantir de très bonnes choses) mais il semble qu'ils se soit résignés à rester encore au stade de l'expérimentation.
Le scénario se veut avant tout simpliste [la femme d'un homme disparaît et ce dernier espère la retrouver grâce à son voisinage et à la police, mais il va apprendre à ces dépends que son immeuble cache bien des secrets], mais au fil du film la réalisation si particulière de Cattet et Forzani prend de l'ampleur et il faut clairement s'accrocher car le style est volontairement déroutant avec ses similitudes à "Amer" et son côté Giallo percutant très sensitif, les images se compressent, se divisent, se cristallisent, se cassent jusqu'à nous faire perdre la raison. Dit comme ça cela semble intéressant, visuellement ça l'est car niveau esthétique c'est absolument fantastique, mais la trame se fragilise beaucoup trop cette fois ci, "Amer" se découpait clairement en trois parties distinctes et chronologiques qu'ici ça ressemblerait presque à un film à sketchs où les histoires entre les appartements s'entremêlent et les personnifications se troublent. On sent même un certaine redondance stylistique devenant par moment agaçante, tout est au final trop démonstratif délaissant sa narration, un tour de force sans doute trop audacieux, certains moments rappellent un peu Lynch ou Polanski mais l'ambiance est trop aléatoire pour espérer y être comparée, on alterne le subjuguant et le dérangeant, on patauge ...
De plus la mise en scène est un des réels points faibles du long métrage et les acteurs n'arrangent rien, même si ça n'est pas catastrophique cela sonne un peu trop amateur, le budget devait certainement être serré et c'est dommage qu'à ce niveau là le casting ne suive pas. Les effets gores, la beauté visuelle et la qualité de la bande son sont tout de même là pour nous tenir sur les rails, et le film tente de recoller les morceaux mais pour ma part le final m'a semblé vraiment flou, rendant son analyse difficile.
"L'Étrange couleur des larmes de ton corps" est une plongée vers le cauchemar et l'inconnu, une nouvelle expérience folle et dérangeante mais qui manque cruellement de structures un tant soit peu solides, Cattet et Forzani privilégient beaucoup trop la forme au fond et malheureusement ça coince, je dirais même qu'ils régressent ... Une déception par rapport à ce que j'en attendais.