C'est l'histoire d'un homme qui "perd" sa femme. Il se perd un peu aussi. Beaucoup même. Deux autres hommes s'ajoutent aux recherches, ainsi que quelques femmes plus que mystérieuses. Ces femmes qui font avancer et aussi beaucoup reculer le récit semblent sortir de l'obscurité d'un couloir moite. Elle font peur, sont victimes et agresseurs à la fois. Elles envoûtent et déstabilisent les hommes déjà difficilement cernables et psychologiquement instable, emprisonnés dans un immeuble aux allures d'art nouveau qui semble exercer une influence mystique sur leur comportement, et dont toute sortie semble impossible.
N'étant absolument pas familier du travail des réalisateurs, j'avais malgré tout beaucoup d'espoir en ce film lorsque j'ai commencé à m'y intéresser, il avait l'air d'un film osé, différent, expérimental. Hélas, bien qu'osé, différent et expérimental, je n'y ai trouvé qu'une succession de plans disparates et sans grande cohérence globale, ni intérêt, si ce n'est stylistique.
Cherchant l'expérimentation extrême narrativement et formellement, ne s'embarrassant peu de certains codes cinématographiques, cherchant également a titiller les sens du spectateur, le film s'y perd et lasse dès les dix premières minutes, nous laissant plongés dans l'incompréhension la plus totale face à des propos métaphysico-symboliques, un chouïa prétentieux, que laisse suggérer les nombreuses variations formelles (split screen, effets de miroir, séquences à base de photos en noir et blanc etc.)
Ok c'est beau. Mais c'est un peu vide. Ou alors très mal explicité. Je ne me suis ni attaché aux personnages, ni à la façon qu'ils ont de raconter leurs histoires, histoire à laquelle j'ai commencé à m'intéresser 30 minutes avant la fin. On y comprend rien et on a pas envie d'y comprendre quelque chose. Le long métrage et sa mise en scène ne nous y invite pas du moins; et ce malgré un dénouement esthétiquement superbe. Alors tout du long on subit et on admire en même temps sans chercher à comprendre les ficelles d'un scénario intéressant mais malheureusement noyé sous cette masse formelle pratiquement indéchiffrable.
Néanmoins, comme dis plus tôt, le film à l'air de tenir plus de l'expérience sensorielle pure, qu'elle soit d'ordre visuelle ou sonore, et c'est à peu de chose près le point le plus réussit du film. Il bouscule et provoque un tantinet de réactions en instaurant une atmosphère malsaine et oppressante à souhait plutôt maîtrisée. On se sent mutilé psychologiquement à l'image des personnages tant on a l'impression d'être enfermé dans cet immeuble comme vivant et presque organique dont les locataires paraissent plus fous et vicieux les uns que les autres. Ca se lacère, ça se fait l'amour, ça cri et ça saigne, et ça nous fait quelque chose. Mais le plaisir s'arrête là.
Regorgeant de perles visuelles incroyables, gâchées par un montage trop inégal et désordonné, certaines séquences auraient pu se suffirent à elles même sous format court. Par exemple la séquence où le personnage principal se décuple pour se tuer lui-même à l'intérieur de son appartement ou encore celle composée de photos en noir et blanc dans laquelle une dénommée Laura se fait poursuivre par un homme à chapeau vêtu de cuir et sortant mystérieusement de derrière le papier peint. Le mal aise et l'atmosphère glauque qui y règne y sont bien orchestrés. Mais ici, dans le contexte d'une narration de 1h20, elles trouvent rarement leurs places et se perdent dans ce flot perpétuel d'expérience. Trop d'expérience tue l'expérience.
Le spectateur face à ce fouillis expérimental est à l'image de ce que dit l'enregistrement audio de cette fameuse Edwige "qu'il garde mon image et se perde dedans". Mais dans cette sorte d'arrogance stylistique on réussit néanmoins à y trouver un certain charme, il envoûte souvent juste avant de tomber dans l'excès et de nous faire redescendre de toute forme d'extase.
Je retiens donc de ce trip "expéri-mental" une sensation mitigée de déception face à ce métrage mal exploité, mais qui envoûte malgré tout grâce à la force de son ambiance sanguinolente et de son mystère poisseux. C'est avant tout un film sensoriel qu'il ne faut prendre pour rien d'autre que cela.