L'impasse

Très bon film, qu'il faut cependant éviter un soir de cafard, lorsqu'on est amené à douter de la nature humaine : celle-ci est présenté sous un jour sinistre et désespérant, entre abjection du meurtrier et bêtise crasse des victimes, entre absurdité de l'existence et justice défaillante.

Il faut donc s'accrocher et dépasser cet arrière-goût amer et écœurant pour apprécier la sobriété et la rigueur de la mise en scène, à l'opposé de la stylisation formelle de "The Boston Strangler" : Richard Fleischer tourne sur les lieux mêmes du fait divers (une impasse terne et oppressante), en s'attachant à restituer les évènements aussi précisément que possible (dialogues issus du procès), et esquissant un tableau saisissant de l'Angleterre grisâtre des années 50, à travers les rapports entre classes sociales notamment.

La mise en place de "10, Rillington Place" s'avère un peu lente, mais une fois la mécanique narrative lancée on veut absolument connaître le fin mot de l'histoire, surtout si comme moi on a une certaine fascination pour les faits divers (et pour les tueurs en série).
A ce sujet, il faut souligner la prestation remarquable de Richard Attenborough dans le rôle de John Christie : sa voix douce et chevrotante, presque chuchotée, lui donne à la fois une apparence inoffensive et une autorité naturelle, de nature à vous glacer le sang.

Face à cet assassin roué et instruit, l'analphabète Timothy Evans n'avait aucune chance, lui l'employé simplet aux tendances mythomanes. John Hurt signe une performance de premier plan, parvenant à susciter une certaine empathie malgré les défauts du personnage.

Avec ce troisième volet de sa trilogie informelle sur des êtres dérangés et malfaisants (après "Compulsion" et "The Boston Strangler"), l'américain Richard Fleischer poursuit en outre son inlassable réquisitoire contre la peine de mort, qui finira par être suspendue (puis définitivement abolie) au Royaume-Uni en 1965 - le cas de Tim Evans ayant largement contribué à relancer le débat.