L'Étreinte a tout du cliché du film français : on peut lui reprocher ses dialogues très épurés, ses scènes intimistes et quotidiennes où il ne passe pas grand chose, son absence de musique, sa réalisation sobre et passe-partout... Mais pourtant, ce premier film du comédien Ludovic Bergery se révèle étonnamment appréciable par la présence d'Emmanuelle Béart qui donne à voir un portrait de femme émouvant qui surmonte un deuil et tente de se reconnecter à elle-même. Cette dernière a perdu son mari et décide de s'installer à Versailles afin de reprendre des études en littérature germanique. On ne sait pas grand chose de son passé, on le devine seulement. On la sent à part, en perpétuel décalage, s'adaptant à un monde où les codes relationnels ont bien changé. Sa rencontre avec un groupe d'étudiants décomplexés dans sa promo ne fait que creuser l'écart générationnel et sa quête de désir. Car en abordant le processus de deuil (de l'être aimé et de la jeunesse), le réalisateur parle d'éveil des sens et d'élans de vie oubliés. Il y a de très belles scènes claires-obscures pour signifier cette prise de conscience. Emmanuelle Béart, dans ce rôle de femme éteinte pendant des années, apporte un bagage émotionnel lourd et juste pour donner vie à cette femme en transition. On la sent abimée, à fleur de peau, maladroite, hésitante, triste, imprudente, libre et elle permet au film de ne jamais sombrer dans l'ennui. Mais surtout, elle y apporte ses peurs et ses doutes, et cela se ressent dans son jeu très organique et incarné. De femme passive, elle ouvre les yeux et réalise qu'elle peut agir et c'est par une succession d'états d'âme et de mises en danger que le film trouve sa réelle valeur. Les seconds rôles, ici, n'ont que peu d'importance et s'oublient comme des fantômes qui ont permis au personnage de se reconstruire. Intimiste, imparfait et troublant, L'Étreinte est une errance qui s'efforce de retrouver son amour-propre.