L’Etreinte est le portrait d’une femme qui essaye de partir à la conquête de sa vie après la mort de son mari. Emmanuelle Béart y est éblouissante de sincérité.


Dans sa mise en scène, mais aussi dans son scénario, le film privilégie les sensations et l’appropriation sensorielle du corps. Plus sensitive que descriptive, à l’image de cette très belle et langoureuse séquence dans une piscine, l’œuvre aime faire parler les silences, la gestuelle du corps et les regards qui en disent long sur l’osmose que cette femme ressent avec son environnement. Alors qu’elle reprend ses études, dans une fac de littérature, elle côtoie de jeunes adultes qui l’intègrent dans leur groupe et un professeur au charisme certain. Du drame au récit initiatique, de la gêne de soi au plaisir de la chair, de l’observation lubrique au passage à l’acte, cette femme, longtemps mariée, ne connaît pas forcément les codes de la drague ou des relations sociales d’une certaine jeunesse ou d’une certaine époque. Pour se faire, elle sera accompagnée par un compagnon de fortune, charmeur, incarné par le très doux Vincent Dedienne.


Au lieu d’amener son écriture vers des lieux communs et des passages obligés, Ludovic Bergery aime passer par des chemins de traverse afin de laisser à son personnage le soin de vivre les écueils de la vie, tant dans le plaisir charnel que dans les désillusions sentimentales. Derrière cette femme qui se cherche, qui tente de retrouver l’envie d’aimer et d’être aimée, qui souhaite redéfinir les contours de son cœur puis de faire ses propres choix sans que cela ne soit dicté par son passé ou par les hommes qui parfois font obstacles à sa vie, il y a une chose qui fait briller de mille feux cette œuvre intime : Emmanuelle Béart. Parfaite pour le rôle, on sent l’actrice enjouée à l’idée d’incarner Margaux. Son charme instantané, sa liberté de ton et sa candeur habituelle donnent au film, peut être sans le vouloir, une double lecture plaisante. En voyant le personnage retrouver la confiance en soi, en l’observant la voir être de nouveau habitée par la fougue, le désir et ce lâcher-prise constant, c’est l’actrice elle-même qui retrouve la grâce qui ne l’a jamais quittée. Un peu comme Under the Skin et Scarlett Johansson, dans un registre bien différent. Son élégance et sa présence qui faisaient mouche dans L’Enfer, Un coeur en hiver ou La Belle Noiseuse n’ont pas disparu, bien au contraire.


C’est la renaissance d’un personnage, mais aussi le renouvellement d’une actrice trop peu visible au cinéma en ce moment. Malgré un scénario qui semble avoir du mal à savoir comment se terminer, qui peine à trouver un point d’ancrage, étant composé de quelques scènes balbutiantes ou maladroites (celles des mafieux russes), L’Etreinte arrive à parler du désir qui se crée à tout âge, de la violence faite aux femmes et de la reconstruction difficile après le deuil. Pour un premier essai, qui fait parfois écho au film Celle que vous croyez de Safy Nebbou, Ludovic Bergery fait part d’un beau cinéma, celui de la réhabilitation par les sensations.


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Velvetman
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le 31 mai 2021

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