La narration portée à son plus haut niveau

Karamakate est un chaman vivant reclus dans la foret amazonienne. Il devient pourtant le guide d'un aventurier allemand à la recherche d'une plante qui le guérirais de sa maladie. Cependant, au terme de leur voyage, Karamakate découvre que son peuple a été corrompu par les vices des occidentaux et fou de colère, brûle tout les pieds de la plante qui aurait permis de sauver la vie de son compagnon. Quarante ans plus tard Karamakate est devenu un chullachaqui, c’est à dire un être sans âme et sans émotion, puni d'avoir mal agi et échoué dans son rôle de Chaman. Un autre explorateur vient alors à sa rencontre, sur les traces de la même plante que le premier.
Outre le noir et blanc, transformant la jungle en une entité mystérieuse faite d'ombre et de lumière, source de vie ou cause de mort, c'est la narration elle-même qui fait de cette histoire vieille comme le monde une œuvre formidablement moderne. Raconter parallèlement les parcours analogues de deux personnages à deux époques différentes donne une dimension universelle à cette quête initiatique à laquelle chacun doit se confronter, y compris le guide lui-même. Ainsi cette figure, habituellement relégué au rang de simple outil narratif permettant au héros de triompher (#Gandalf #Morpheus #Obi-Wan (bon là je prend des mentors très bien écrits parce que je suis sûr que tout le monde les connait mais trop souvent c'est juste un personnage très pratique pour les scénaristes flemmards ou sans inspiration pour faire avancer leur histoire( et cette paranthèsception est bien trop longue))), est ici l'enjeu principal du film. On nous présente en la personne de Karamakate, le sage qui n'est pas encore sage, qui doit apprendre à enseigner. Et si cette instruction se fait de manière classique, au travers de différentes péripéties symboliques tant des conflits intérieurs des personnages que des souffrances du peuple indien en Colombie, l'échec de cette initiation est possible, chose particulièrement originale pour un récit initiatique qui doit, par définition même, se terminer par un succès.
L’Étreinte du Serpent renoue donc avec les grands mythes en suivant le schéma qui leur est commun à tous. Mais il apporte des variations propres à notre époque, comme la critique du mode de vie occidental, la perversion de la religion ou la perte du rapport au mystique. Ciro Guerra nous livre ainsi un véritable moment de cinéma, moderne et intemporel.
Sadrim
9
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le 2 sept. 2016

Critique lue 243 fois

Sadrim

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