Deux voyageurs arrivent dans une communauté perdue au milieu de la jungle. Ils accostent sur la rive de l’Amazone pour être accueillit par des êtres ayant perdu toute notion d’humanité. En quelque année, sans l’autorité supérieure d’un missionnaire sadique, la marmaille s’est changée en une communauté dévorée par la folie du pouvoir, n’ayant rien à envier à celle des soldats d’Apocalypse Now. L’enseignement catholique pervertit a fait de ses petits garçons des hommes s’adonnant à la torture, le crime et la passion charnelle au nom de Dieu. La Jungle les a capturés et ne les relâchera plus.


Les deux voyageurs, Richard et Karamakate, voguent sur le sillage d’une expédition ayant eu lieu des années auparavant. Le vieil indigène, essaie alors de se souvenir de son passé.


Il avait guidé Theodore, un chercheur allemand atteint d’une maladie mortelle, et son serviteur Manduca dans la quête d’une fleur rarissime, la yakruna, dernier espoir de survie pour le scientifique. Karamakate, solitaire et rancunier, était alors le dernier survivant de sa tribu. Remontant l’Amazone, les trois personnages apprennent difficilement à se comprendre. Si Théodore et son serviteur se respectent, l’indigène ne cesse de reprocher la mort de sa tribu au premier et la traitrise de Manduca, ayant accepté de servir un blanc.


Les étapes de leur voyage les amèneront à se connaître, à s’appréhender et même à certains moments à se faire confiance. Cependant, le fossé culturel ne permettra jamais aux trois personnages de rentrer en harmonie, celle dont rêve tant Karamakate. Théodore, intéressé par le savoir de son guide tentera de comprendre la mystique de la Jungle, ce milieu hostile habitant pourtant des populations.


La forêt est vivante, et avale tout ce qui lui résiste : la communauté catholique, les cultivateurs de caoutchouc, même les survivants de la tribu de Karamakate. La folie est continuellement présente, cachée derrière les arbres, constamment hors-champ, prête à bondir à tout moment sur ceux ne respectant pas les règles de l’harmonie naturelle ; dont le seul dépositaire désormais est Karamakate : le dernier des indigènes. L’esprit est faible dans ces contrés, pour résister il doit être relié à la forêt sinon celle-ci se l’accapare ; pouvant ainsi donner lieu à l’état de chullachaqui, où le corps ère sans âme.


L’harmonie, c’est la fusion avec la nature. Ici, elle ne consiste pas seulement à vivre avec, mais aussi à dedans. Le noir et blanc du film souligne ici l’aspect non-conforme du blanc dans cette forêt grise, dans laquelle se confond presque parfaitement Karamakate. Théodore et son serviteur portent tous deux des chemises blanches jurant avec le milieu qui les entoure et marquant la traitrise de Manduca. Le blanc c’est aussi le sang de la Jungle, celui que suce les colons telle des vampires : le caoutchouc. La trainé d’un blanc immaculé sur le tronc d’un arbre aux teintes sombres souligne l’aspect vital de cette matière, et le fait qu’elle ne devrait jamais traverser l’écorce.


L’étreinte du serpent, est finalement l’emprise de la Jungle qui oppresse de plus en plus les personnages. Le compte à rebours est lancé. Ce n’est pas la fleur qui sauvera Théodore de la maladie qui le ronge petit à petit, mais sa connexion et l’établissement d’une harmonie entre lui et la forêt. Comme le dit Karamakate : « on ne cultive pas la yakruna », car elle est le fruit de la Jungle, elle est naturelle et unique. La faire pousser est une hérésie.


L’étreinte du serpent est une réflexion sur l’homme et son rapport aux mystiques. Il n’y a pas de Dieu dans ce film, en témoigne l’état de la mission catholique ; mais il y a la Jungle. Le colon doit abandonner ses croyances pour en découvrir d’autre. L’absorption de la dernière yakruna naturelle plongera Richard dans un état de communion spirituel avec la forêt. La conversation entre les deux êtres se fera alors par la couleur. Il entreprendra un voyage mystique digne de celui de Dave dans 2001. La yakruna ne sauve personne, elle n’est qu’un moyen de communion. Ici, le Dieu c’est la Jungle !


http://versus-critiques.over-blog.com/

-Versus
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2015

Créée

le 12 juin 2017

Critique lue 189 fois

1 j'aime

1 commentaire

-Versus

Écrit par

Critique lue 189 fois

1
1

D'autres avis sur L’Étreinte du serpent

L’Étreinte du serpent
Electron
8

Rêver pour survivre

Survivant oublié de ma tribu massacrée, je parcourais mon territoire dans la forêt amazonienne, sans craindre les rencontres. Je me fondais dans la nature, laissant le moins de traces possibles, sauf...

le 31 déc. 2015

49 j'aime

23

L’Étreinte du serpent
SanFelice
8

"Tu es deux hommes"

On le voit venir de loin, L’Étreinte du Serpent. Voyages en Amazonie, faune et flore sauvages, rencontres de deux cultures opposées, quête initiatique, on devine tout cela dès les premières...

le 5 mai 2018

35 j'aime

4

L’Étreinte du serpent
Liverbird
9

Récit-fleuve

On connaît tous la citation : « l'histoire est écrite par les vainqueurs ». Sans pour autant en connaître la véritable source. Les noms de Robert Brasillach, Walter Benjamin ou Winston Churchill sont...

le 12 juil. 2016

28 j'aime

6

Du même critique

Pirates des Caraïbes - La vengeance de Salazar
-Versus
3

Les businessmans ne racontent pas d’histoires

Jack Sparrow désormais sans équipage se sépare de son fameux compas magique lors d’une nuit d’ivresse, libérant ainsi Salazar et son équipage de fantômes calcinés (ne me demandez pas pourquoi je suis...

le 29 sept. 2017

10 j'aime

1

La Fabrique de l'ignorance
-Versus
5

Une fabrique de l'ignorant ?

J'ai un gros doute sur ce documentaire ARTE (chaîne qui n'est pas toujours un synonyme de qualité). Tout d'abord je tiens à dire que je n'ai pratiquement aucune connaissance des sujets traités mis à...

le 14 mars 2021

7 j'aime

1

Superman : Red Son
-Versus
4

Dictature League

Alors que la guerre froide bat son plein, Staline révèle sa nouvelle arme : un extraterrestre au pouvoir extraordinaire nommé Superman. En face les États-Unis doivent préparer leur défense. Le...

le 6 mai 2020

7 j'aime