Quand la jungle troque ses couleurs flamboyantes, son joli manteau vert infini pour un noir et blanc où la lumière danse au rythme de la musique des peuples oubliés entre les branches et les lianes, c'est pour nous conduire vers le pays des rêves. Un pays fantastique et mystérieux, beau comme seul les rêves peuvent l'être, où le monde se noie dans le reflet de sa propre image sur l'eau d'un fleuve sans fin et où le réel se perd dans les méandre des hallucinations.


Un rêve mystique, qui serpente lentement à la surface de cet immense boa descendu du ciel pour se poser au milieu de cette jungle et y étendre ses immenses étendues d'eaux et qui guide les personnages qui l'habitent vers ce qu'ils recherchent. Une plante. Une plante ancestrale, une plante sacrée, une plante légendaire pour une quête qui conduira ces êtres perdus dans un voyage initiatique à travers les paysages enchantés, à travers les souvenirs, et à travers le temps lui-même. Une quête pour trouver des solutions, des réponses, une identité. Pour trouver la vie. Une quête existentielle dans le pays des rêves.


Mais comme dans tout rêve, le cauchemar n'est jamais bien loin et peut surgir, comme ça, à tout moment, caché quelque part au milieu de ce labyrinthe de végétation ou attendant calmement que vous arriviez sur la berge de ce fleuve qui en possède des millions, pour transformer ce paysage fantasmagorique sans limite en tourment sans échappatoire. Un cauchemar derrière lequel se cache toujours la présence de l'homme blanc, de sa pensée unique, de sa religion et de son appétit économique. Car quand ces deux cultures se rencontrent frontalement, c'est pour se dévorer. Et quand elles ne le font pas complètement, un monstre hybride naît des lambeaux de chacune d'entre elles, comme dans cette ancienne colonie où le christ des indiens règne en tyran sur ses sujets crasseux qui s'auto-flagellent avant de finir manger en leur offrant son corps comme une hostie pendant une rave hallucinatoire amazonienne.


Car tous les hommes, qu'ils soient indiens ou blancs ou même coincés quelque part entre les deux, sont tous des "chullachaquis". Des doubles qui traînent derrière eux l'ombre encombrante de leur peuple et de leur culture. Un double qui ne les quitte jamais. Un double qui influence tous ce qu'ils font et duquel ils doivent prendre conscience. Pour apprendre à vivre avec, mais aussi pour pouvoir s'en éloigner un peu. Pour se défaire de cette obsession des biens matériels pour redécouvrir ses sens, pour redécouvrir sa capacité à rêver. Pour se défaire du poids étouffant d'un héritage perdu pour apprendre à le partager, pour transmettre la puissance des rêves.


Un rêve face auquel il faut lâcher prise pour se laisser envahir et plonger dans sa torpeur hypnotique.


Un rêve qui nous conduit jusqu'à l'atelier des dieux pour y découvrir la réalité ultime dans une hallucination possédé.


La réalité que personne ne peut voir.


La réalité des rêves oubliés.

Clode
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2015

Créée

le 24 déc. 2015

Critique lue 1.1K fois

22 j'aime

1 commentaire

Clode

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

22
1

D'autres avis sur L’Étreinte du serpent

L’Étreinte du serpent
Electron
8

Rêver pour survivre

Survivant oublié de ma tribu massacrée, je parcourais mon territoire dans la forêt amazonienne, sans craindre les rencontres. Je me fondais dans la nature, laissant le moins de traces possibles, sauf...

le 31 déc. 2015

49 j'aime

23

L’Étreinte du serpent
SanFelice
8

"Tu es deux hommes"

On le voit venir de loin, L’Étreinte du Serpent. Voyages en Amazonie, faune et flore sauvages, rencontres de deux cultures opposées, quête initiatique, on devine tout cela dès les premières...

le 5 mai 2018

35 j'aime

4

L’Étreinte du serpent
Liverbird
9

Récit-fleuve

On connaît tous la citation : « l'histoire est écrite par les vainqueurs ». Sans pour autant en connaître la véritable source. Les noms de Robert Brasillach, Walter Benjamin ou Winston Churchill sont...

le 12 juil. 2016

28 j'aime

6

Du même critique

A Beautiful Day
Clode
7

Un sourire

Joe aime les marteaux. Les marteaux noirs en acier, avec écrit dessus "Made in Usa" en petites lettres blanches. Dans sa main, les marteaux paraissent petits. Les marteaux sont gros, aussi gros qu’un...

le 9 nov. 2017

54 j'aime

4

Juste la fin du monde
Clode
4

La famille hurlante

Au sein de la famille de Louis, ils ne se ressemblent pas tellement. Non. Pour commencer, ils ne se ressemblent pas beaucoup physiquement. La famille de Louis n’est pas une de ces familles où tout le...

le 27 sept. 2016

53 j'aime

12

Deadpool
Clode
5

Bites, culs, prouts

C'est l'histoire d'un chat qui s'appelle Christian. En tout cas, c'est le nom que lui donnent les gens. Christian est un de ces chats qui se balade partout dans la ville sans que personne ne sache...

le 12 févr. 2016

51 j'aime

8