El Abrazo de la Serpiente, un film Colombien / Argentin / Vénézuélien en noir et blanc qui nous en fait prendre pleins la gueule.
Karamakate, un puissant shaman devenu chullachaqui (enveloppe vide sans sentiments ni souvenirs), se raccroche à la quête d'un ethnobotaniste Allemand. Se raccroche, parce qu'il décide de l'aider, mais laisse le temps à son nouvel élève d'apprendre à voir et à écouter afin qu'avec lui il réapprenne les secrets et les trésors des anciens de son peuple, et qu'il retrouve la mémoire. L'Allemand est malade, il cherche la yakruna, une plante sacrée extrêmement difficile à trouver, et qui une fois trouvée et cuisinée peut quand même refuser de délivrer ses secrets.
On se retrouve alors projetés dans les espaces temps, dans lequel Theo (l'Allemand) et Karamakate vieillissent, rajeunissent, se rencontrent et se séparent, s'apprivoisent et se chassent, s'apprennent et partagent. Les chemins et les interprétations qui vont avec ne dépendent que de vous.
Personnellement j'ai le sentiment que tout ceci fait partie de la vision de la plante, que les temps et les âges sont une part du rêve qu'il poursuit. La vision dite explicite de la prise de la yakruna, seules images en couleurs, rappelle fortement les visions et rêves de l'ayahuasca, plante shamanique, sacrée, curative...etc.
Ce film nous laisse aussi tout à fait pantois, on est témoin de la haine et de la peur qu'engendre l'homme blanc chez les peuples indiens, et quand je dis homme blanc, je parle aussi des espagnols, ces pilleurs, ces meurtriers, ces voleurs et ces violeurs qui se proclament "premiers hommes à découvrir" un continent peuplé, habité et vivant depuis des millénaires, sans leur aide.
On est témoins des folies que nos ancêtres ont plantés sur ces terres, la religion du dieu unique, pour "fédérer", les "orphelinats religieux", les armes, la mort, le désespoir, l'arrachement des peuples natifs à leurs racines...
Des peuples libres, avec une culture et une compréhension de la nature et de la pachamama bien plus grande que la notre, réduits à des cadavres ivres morts qui consomment les plantes sacrés en appelant à la fin du monde.
Ce film révolte et transporte en même temps, il nous fait redécouvrir des souvenirs, des lieux et des temps différents. La quête personnelle de Théo devient la nôtre, on veut apprendre à écouter avec Karamakate, on a envie de s'approcher de ces peuples et d'apprendre d'eux, qui ont réellement compris le lien intime entre la nature et l'être humain.