On pense forcément à Werner Herzog et son film Aguirre, la colère de Dieu sorti en 1972 lorsque l’on regarde L’Etreinte du Serpent. On retrouve cette fascination mystique pour la nature qui devient elle-même un personnage à part entière. Les personnages, eux, sont principalement joués par des non-professionnels. Le but du film : donner une parole et un corps à ces peuples invisibles qui peuplent l’Amazonie, visités par des explorateurs au cours du XXème siècle. Le récit se base sur les carnets de voyage de Theodor Koch-Grünberg dans les années 1900 et de Richard Evans Schultes dans les années 1940. Entre les deux, une même figure, celle de Karamakate, qui accompagne les deux hommes blancs dans leur quête de la yakruna, une fleur aux vertus magiques.
De nombreuses parentés sont évidentes avec Aguirre ou bien encore Apocalypse Now, le chef d’oeuvre de Coppola en 1979. C’est le même voyage initiatique à travers la jungle, le même trajet jusqu’au coeur de l’insondable, à bord d’une douteuse embarcation… Mais chez Herzog et Coppola, la folie et l’absurdité du monde avaient pour sujet le conquérant, et émanaient de la végétation, chaude et suffocante. Dans L’Etreinte du Serpent, le déséquilibre vient des hommes blancs, tandis que le sujet est déplacé vers la forêt et ses habitants. Ciro Guerra effectue une relecture de cette histoire, en inversant les rôles, et ce faisant il s’ancre dans notre époque, avec ce souci d’écologie et de préservation.