Filmé dans un superbe scope noir et blanc, cette lente déambulation dans l'immensité abyssale de la forêt amazonienne est une œuvre foisonnante de splendeurs visuelles qui aurait mérité un traitement moins austère.
Dans sa manière d'appréhender le cœur de la forêt on pense forcément à Werner Herzog et ses sagas amazoniennes, mais la comparaison s'arrêtera à cette exposition esthétisante évidente, tant les deux manières d'appréhender les choses s'avèrent au final totalement opposées. A la démesure et au lyrisme d'un Aguirre, le réalisateur de cette Étreinte du serpent opte pour une vision initiatique et sensorielle.


Affichant clairement un vrai propos écolo qui renvoie toutes tentatives de COP 21 au placard, le réalisateur colombien Ciro Guerra fait se dérouler une magnifique peinture contemplative d'un enfer vert manquant fortement de substance et de vitalité pour emporter mon adhésion. Appuyant un peu trop fort là où l'image se suffit à elle même, il tente de faire passer des messages clairement établis : l'homme blanc a un cœur noir, les chrétiens sont d'immondes profanateurs, comment faire confiance à une religion d'hommes qui mangent le corps de leur dieu, etc, etc... on l'aura compris le réalisateur fait de son film un pamphlet radicalement anti homme "civilisé". Sa démarche est tout à fait légitime et le propos est clairement établi et d'une logique tout à fait circonstancielle. Voilà c'est dit.


Alors quid de l'ennui profond qui naît d'une longue, longue surexposition contemplative le long du fleuve qui serpente infiniment et aurait mérité quelques pauses festives, quitte à faire se taire les protagonistes, au noir et blanc des origines, il aurait fallu rajouter un sans parole agrémenté uniquement des bruits de la forêts, les cris d'animaux, la symphonie douce du clapotement de l'eau, le froissement des feuilles balayées par le vent, ...


Très esthétisant mais profondément redondant, ce film qui se veut sensoriel et métaphysique finit par devenir profondément ennuyant et hermétique.

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le 10 juin 2016

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