Faire peur : voilà une grande mission pour un film. Comment susciter une réaction épidermique aussi primale chez un spectateur ? En chaton curieux, qui voudrait bien savoir le pourquoi du comment, je me suis donc intéressé à l’Exorciste, le « film le plus terrifiant de tous les temps ». Hautes attentes en perspective, donc.
… Et bien je n’ai pas eu peur.
En fait, je pense que l’Exorciste se base sur des mécanismes assez datés à ce niveau-là, puisque la peur y repose principalement sur le choc face à des images extrêmement osées. Enfin, extrêmement osées à l’époque. Parce que maintenant, on peut trouver dans les bacs de n’importe quelle supérette des slashers bien trashouilles avec étripages, découpages, trépanages et autres trucs en –age : il y a eu indéniablement banalisation de la violence. Après, on ne va pas rentrer dans le débat du bien-fondé de cette banalisation. Le côté blasphématoire, lui, peut peut-être encore marcher, mais en athée vacciné, j’y suis assez insensible. Par contre, Linda Blair est géniale ; mais c’est un poil vain de s’épancher sur sa performance, vu que trois cent mille personnes l’ont fait avant moi.
L’autre gros défaut du film, c’est son rythme. Le fait d’avoir vu la version longue de 2000, avec ses incrustations moches à la truelle d’images subliminales, aide sûrement pas, mais la première heure se traîne franchement. Qui plus est, je suis pas sûr que montrer les hésitations (répétées) de la mère de Regan, et la confusion (répétée) des (nombreux) médecins dans un film qui s’appelle quand même l’EXORCISTE soit une idée de génie. Surtout quand on prend DIX MINUTES en Egypte en début de métrage pour bien montrer qu’il y a un truc pas net qui a été lâché sur le monde. Enfin je dis ça je dis rien. Et puis la résolution de l’intrigue fait un tantinet pétard mouillé aussi.
Alors pourquoi la note fort élogieuse de huit ?
Parce que l’Exorciste, contrairement à quatre-vingt pour cent des « films d’horreur » actuels, a une grande qualité : il n’essaye pas juste de faire peur pour faire peur. Il porte avec lui une réflexion intelligente, principalement à travers le personnage très bien écrit et interprété du père Karras, qui incarne avec sa double casquette de prêtre et de psychologue la question centrale du film. Est-ce que le Mal, avec un grand M, peut-être rationnalisé ? (= Pourquoi cette petite fille riche, parmi tous les gens du monde, se fait-elle posséder ?)
Ou, comme on le voit avec la sous-intrigue entourant la mère de Karras : est-ce que les principes moraux et religieux sont toujours une source de bien ?
(D’ailleurs, en parlant de cette sous-intrigue, toute sa crédibilité a été détruite pour moi quand j’ai vu que celui qui jouait l’oncle de Karras était celui qui incarnait le berger zoophile dans Tout ce que vous avez voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander de Woody Allen. « I’m in love vith è sheep ! »)
Il y a donc un vrai fond et une vraie profondeur ; qui plus est renforcée par des images marquantes, une photographie parfois excellente – le plan de la statue de Pazuzu au début du film est sublime -, et une interprétation de très bonne qualité.
Un grand film très daté, donc.