Une magnifique pépite profondément angoissante, intense et émouvante.

-Je vais te montrer un truc. Mon p'tit groupe de 6 là, je sens qu'ils vont bien me faire chier. Regarde ce qu'ils ont répondu à la question 8.
-Quel métier voudriez-vous exercer? Alors qu'est-ce qu'ont a ? Hôtesse de caisse, femme de chambre...
- Je te rappelle que c'est les élèves qui ont eu les meilleures notes de la région.
- Ah ouais grosse ambition. Manutentionnaire, hôtesse de caisse, 2 fois hôtesses de caisse trop bizarres il y en a un qui a copié ou quoi? Ouvrier agroalimentaire et professeur suppléant. Tiens ça c'est pour toi c'est dans ta gueule.
- Si tu avais vu comment ils m'ont accueilli. L'arrogance des mômes.
- Mais c'est quoi, c'est genre une classe de surdoué c'est ça .
- En fait c'est... c'est des gamins qu'ont eus des super-notes aux primaires et du coup le proviseur les a réunis dans une espèce de classe d'élite. Tu vois le truc un peu expérimental.

L'heure de la sortie est le second film du realisateur Sébastien Marnier ayant avant cela réalisé ''Irréprochable'' une oeuvre à l'époque de sa sortie assez surprenante empruntant un chemin inhabituel pour notre cinéma non dénué de défaut, mais qui clairement sera l'élément d'essai avant l'arrivée de cette oeuvre majeure et impactant dans le décor francais.

Un long métrage prosaïque et concret dans une forme a contrario poétique d'une originalité qui soulage, à la fois déprimante et très humaine, d'une dextérité technique remarquable pourvue d'un récit d'une finesse et d'une justesse troublante dans une intensité angoissante permanent.

C'est l'histoire d'un professeur remplaçant joué par Laurent Lafitte qui se retrouve muté dans un lycée renommé après qu'un enseignant est tenté de se suicider. Une fois la classe de celui-ci récupérée il va se retrouver face à des élèves représentant la fine fleur de l'établissement. Des adolescents surdoués loin d'être banal formant un petit groupe d'élèves complètement enfermés dans leurs bulles ayant un comportement carrément anormal faisant bien flipper.

L'histoire est inspirée du roman de Christophe Dufossé que je n'ai pas lu (mais que là pour le coup j'ai très envie de lire) démontrant une jeunesse ne croyant plus en rien dans un monde au bord du précipice. Un sujet actuel pertinent d'une maîtrise totale livrant une vision macabre du monde représenté par une multitude d'images chocs livrant une version honnête de notre société cruelle, triste et malheureusement vrai, nous faisant tomber dans un fatalisme absolu.

Ainsi se forme concrètement les pensés du cinéaste dénonçant clairement une lutte générationnelle entre ceux vivants dans une consommation sans conséquence (les adultes) et ceux n'ayant plus d'espoir à cause d'un avenir dont ont connaît déjà l'issue fatale (les enfants).

Tout comme son héros le spectateur est continuellement sollicité sur la nature de ce cercle d'élèves dégageant une aura d'insécurité intimidante rappelant intelligemment les enfants du Village des damnés de John Carpenter. Une approche à laquelle je suis très sensible qui prendra au fur et à mesure une direction tout autre. L'enjeu du film sera de discerner ce qui se passe exactement avec ses enfants très très intelligents complètement marginalisés.

Même l'essence du récit est inconnue, les genres fusent et se mélangent sans certitude. Est-ce un film horrifique, fantastique, paranoïaque, tout à la fois, l'incertitude reste inébranlable et jusqu'au bout on est interrogé. Tout cela vient à former un jeu de patience d'une intelligence implacable, intriguant et éprouvant sous forme de casse-tête trouvant sa signification lors de la terrifiante scène finale.

Techniquement le long-métrage envoie du lourd avec des effets de style efficace livrant des plans sublimes à travers une photographie soignée projetant des émotions puissantes. Cela confère une ambiance et une atmosphère incroyable appuyer par les nombreuses et excellentes OST de Zombie Zombie rappelant encore une fois la tonalité de John Carpenter, un véritable bonheur. Des compositions fortes prenant viscéralement aux tripes, rien n'est laissé au hasard. La chanson qu'ils chantent tous en classe est juste fabuleuse, bourrée de sens par rapport au sujet démontré.

La construction des personnages est irréprochable. Laurent Lafitte est incroyable, livrant une partition sincère et puissante. J'aime beaucoup le regard paumé dont il fait preuve envers ses élèves. Le réalisateur joue efficacement avec les nerfs de son personnage principal le faisant tomber dans la folie face à des lycéens pas comme les autres. Pour ce qui est des adolescents là il faut le reconnaître ils sont tous très bons. Personne n'est en dessous chacun y va de son assurance pour des interprétations assurément convaincantes et hallucinantes. Ils sont tous époustouflant ! Mention spéciale à la jeune Luana Bajrami alias Apolline.

CONCLUSION:

L'heure de la sortie est un film possédant une âme d'auteur par un Sébastien Marnier clairement amoureux de cinéma livrant une prouesse qui doit être vue pour sa pertinence sur le mal-être d'une adolescence complètement désuet et dégoûté de ce monde duquel ils n'attendent plus rien. Le récit nous confronte à des sujets sérieux comme la politique, l'écologie, sans pour autant tomber dans le bourrage de crâne conservant avant tout l'intensité de son spectacle angoissant et émouvant. Un film important aussi passionnant que jouissif apportant enfin la fraîcheur de la nouveauté dans un sujet maîtrisé de bout en bout d'une technicité incroyable avec son plan final dantesque.

Une véritable claque qui fait du bien au cinéma français !