Internationalement décrié par une partie de la critique pour avoir dénoncé ses amis devant la commission des activités anti américaines (alors qu’Elia Kazan qui à fait pareil a connu l’estime de tous), Edward Dmytrick semble avoir mis tout le monde d’accord avec WARLOCK, son meilleur film. Le thème est inhabituel pour un western de l’époque, c’est le combat de l’ordre à tout prix (même les moyens les plus expéditifs) contre la justice et la morale, mettant aux prises des protagonistes inhabituellement complexes. Tel Johnny Gannon (Richatd Wydmark) déchiré entre la justice et l’inévitable tragédie qui guette son voyou de frère. Tel Tom Morgan (Anthony Quinn) qui va jusqu’au meurtre pour garder près de lui l’homme qu’il adore, le seul qui ne voit pas en lui un infirme. Telle Lily Dollar (Dorothy Malone) qui est chaque jour un peu moins sure de sa vengeance car l’homme qu’elle aime va au devant d’une mort certaine, comme si elle, l’ancienne fille de mauvaise vie, voulait sauver toutes les âmes. Ou encore Jessie Marlow (Dolores Michaels) qui veut le beurre et l’argent du beurre avec son fiancé, le Marshall Clay Blaisdell (Henry Fonda) qu’elle voudrait épouser à condition qu’il se range. Mais Blaisdell n’a pas obtenu des colts aux crosses en or en ayant gagné un concours de tricot, ni même de bilboquet. Le script très travaillé, montre avec une progressivité bien étalée dans le temps, l’évolution des personnages, y compris des personnages secondaires (excepté le vieux juge, qui représente la sagesse et la vérité) qui sont tous bien dirigés par Dmytrik. Le casting superlatif (avec une mention exceptionnelle pour Wydmark, simplement parfait dans son jeu plein de nuances) est porté par une photographie ample et précise de l’immense Joe MacDonald.
L’opposition entre Johnny Gannon, la justice et Henry Fonda, l’ordre, range les mauvais dans la catégorie des alibis symboliques dont la scène de la main poignardée est la plus spectaculaire (Dmytrik devait jurer de la main droite sur la bible lors de sa comparution) et révèle à la fin un héros inattendu : la population de la ville. La conclusion de WARLOCK montre que la morale et la justice ne peuvent être que l’oeuvre d’une cohésion de la cité entière, car l’ordre imposé ne peut triompher seul sans l’adhésion des masses. Ce que démontre aussi le MAGNIFICENT SEVEN de John Sturges qui sortira l’année suivante.