Après l'énorme succès des westerns de Sergio Leone, Clint Eastwood aimerait prolonger le personnage de héros ténébreux qui l'a rendu célèbre. Mais Eastwood est anglo-saxon et ne peut reproduire l'esprit latin de Leone.
La dérision latine devient sécheresse anglo-saxonne.
La farce devient humiliation.
La truculence devient grossièreté.
La raillerie devient mépris.
Mais Eastwood ne se contente pas d'imiter le style du western spaghetti, il apporte sa touche personnelle d'américain mystique avec ce personnage dont on ne sait d'où il vient ni où il va. Souvent, il nous cache le véritable sens de ses films se contentant de nous laisser quelques indices.
Dans la version américaine la dernière scène donne ceci:
Mordecaï: "I never did know your name."
The drifter: "Yes, you do", puis ajoute: "Take care".
Mordecaï: "Yes sir Captain."
puis, nous voyons le nom sur la tombe: "Marshall Jim Duncan".
Dans la version française:
Mordecaï: "J'ai jamais su votre nom."
Le cavalier solitaire: "C'est celui que tu graves.",
puis ajoute: "Celui de mon frère".
Avec cette dernière phrase on casse tout le propos du film.
Leone a montré à Eastwood l'importance des symboles, Don Siegel lui a fait voir l'importance de l'ambiguïté, des messages à double sens et des indices laissés comme un jeu de piste au spectateur. Tout le cinéma d'Eastwood en est rempli.
Ce personnage ambigu préfigure les héros à venir de "Pale rider" et "Impitoyable", ce que je nomme la trilogie du 4ème cavalier. Des personnages que tous croyaient morts et qui réapparaissent, chevauchant un cheval pale et semant la mort.
Mais ici, bien avant la fin, le cavalier solitaire fait repeindre la ville en rouge et rebaptiser "Hell". Mieux encore, il fait dresser un banquet au milieu de la ville avec des banderoles de bienvenue pour les gars qu'il a l'intention de tuer.
Peut-on être plus clair?
Des questions demeurent. Pourquoi la faucheuse récolterait-elle surtout les âmes damnées?
Sois bien sage, sinon le croque-mitaine viendra te chercher!
La vision d'Eastwood paraît bien puérile.
Mais puisque son inspiration semble biblique, allons chercher à la source:
"...Et voici qu'apparut un cheval pâle; celui qui le montait se nommait "la Mort" et l'enfer le suivait."
Je vous laisse interpréter cette phrase. Eastwood l'a fait.
Mais il n'est pas interdit non plus d'imaginer un caractère plus diabolique au personnage...
Ce film qui se voulait dans la continuité du cinéma de Leone est finalement un western très classique, mais c'est l'aspect sombre et semi-fantastique qui lui apporte son originalité.