Quand on arrive en ville.Un mystérieux cavalier mutique et solitaire débarque à Lago,petite cité minière du Far West située au bord d'un lac.Le gars n'est pas du genre à perdre du temps car en moins d'un quart d'heure de présence il a déjà descendu trois mecs et violé une fille.Mais tous l'avaient bien cherché.Impressionnés par ses talents de tireur,au revolver s'entend,les notables de la ville l'embauchent pour les protéger.Ils ne sont pas tranquilles car trois outlaws éminemment dangereux et agressifs ont été libérés de taule et ne vont pas tarder à rappliquer.Et comme ce sont les notables en question qui sont à l'origine de leur incarcération,obtenue sous un faux prétexte,des comptes sont à régler.Le pistolero providentiel devient donc le potentiel sauveur de la ville mais le gars en profite pour obtenir tout ce qu'il veut et s'amuse à humilier les habitants de manière sadique,ce que les gens endurent en pensant le liquider une fois qu'il les aura débarrassés des hors-la-loi."L'homme des hautes plaines" est la deuxième réalisation de Clint Eastwood et son premier western.Il en est le producteur via sa compagnie Malpaso et se trouve entouré de complices qui l'accompagneront souvent lors de sa carrière comme son assistant James Fargo et le directeur des cascades Buddy Van Horn,qui feront partie de ses réalisateurs attitrés,ou le comédien Geoffrey Lewis,le père de Juliette.Eastwood fait preuve de maîtrise et opère la jonction entre le western classique,qui l'a révélé dans la série "Rawhide",et le spaghetti qui l'a consacré star à travers les films de Sergio Leone,dont il fut l'acteur fétiche.On a par conséquent la réunion des grands espaces du western hollywoodien,avec ses chevauchées dans des paysages désertiques au milieu de collines rocheuses arides,et des gimmicks des versions italiennes,hiératisme,cache-poussières,trognes patibulaires suantes en gros plans,violence cruelle et humour cynique.Clint a bien retenu les leçons de son maître Leone et tire au maximum partie de la largeur d'écran et de la profondeur de champ,tout en ralentissant le rythme entre deux explosions de violence.Le film est graphiquement très beau et soigneusement étudié avec des angles aigus,ceux des silhouettes,des visages ou des bâtiments, se découpant comme en surimpression sur l'image entre ombre et lumière.Tout ceci au service d'une vision très noire de l'humanité,car ici tout le monde est cupide,lâche et hypocrite,tout en se prévalant de hautes valeurs morales chrétiennes,et la trahison est dans les gènes de chaque personnage.Peut-être le nom de la ville,Lago,est-il même une référence shakespearienne à Iago,le traître dans "Othello".On peut cependant reprocher au scénario d'Ernest Tidyman d'être ,quoi qu'original,quelque peu décousu dans ses développements et excessif dans sa description des avanies que le drifter inflige aux habitants, qui confine parfois à la clownerie.Surtout qu'au-delà de leur infamie les protagonistes ont aussi leurs raisons.Si la manière était discutable,on peut comprendre qu'ils aient voulu éliminer l'ancien shérif dans la mesure où celui-ci allait révéler des éléments concernant la mine qui auraient abouti à ruiner Lago et ses citoyens.Reste la fameuse controverse concernant la fin du film,différente selon les versions.Dans la VO américaine,celle voulue par les auteurs,le drifter serait le fantôme du défunt marshall,alors que dans la VF il s'agirait de son frère.C'est la première qui est très largement plébiscitée par les cinéphiles,et ce n'est pourtant pas la meilleure car elle introduit une grosse dose de fantastique en conclusion d'un film par ailleurs totalement réaliste,même s'il est traité dans un style baroque.La solution française est certes plate mais cadre quand même mieux avec l'histoire.D'ailleurs,si le justicier vengeur était un spectre,pourquoi se cache-t-il de ses ennemis quand ceux-ci tentent de le tuer?Pourquoi s'immerge-t-il dans la baignoire quand la fille tire sur lui?Il parait difficile de tuer un fantôme,il n'a donc rien à craindre.Grand,raide comme un piquet,impassible,silhouette élancée,visage émacié et mal rasé,Eastwood l'acteur effectue une de ses plus belles prestations dans ce rôle de l'homme sans nom liquidateur,mi-salopard mi-Christ, qu'il a souvent tenu de "Pour une poignée de dollars" en 64 jusqu'à "Impitoyable" en 92.Il a pour partenaires une belle brochette de seconds couteaux à sale gueule,tous excellents,d'où émergent le nain Billy Curtis et un Geoffrey Lewis impérial en bandit crasseux et glauque.La scène où il achève un homme blessé en lui plantant un bâton dans la gorge vaut le détour,ainsi que la réflexion dégoûtée d'un de ses copains:"le chien,il a encore plein de sang dans les veines!".