On connaît la vieille fascination de Woody Allen pour le thème dostoievskien du crime et de la culpabilité - ou non -, qui lui a permis de réaliser deux de ses meilleurs films, "Crimes et Délits" et "Match Point". C'est donc avec un sentiment ambigu de redite, mais en anticipant quand même un certain plaisir que nous suivons l'ami Woody au long de cet "Homme Irrationnel" des plus théoriques - puisque les personnages sont plus ici des concepts qu'autres choses, et que Allen les fait comme à son habitude déblatérer sans fin sur les thèmes "philosophiques" qui les occupent - vers une conclusion que nous espérons cruelle et "immorale"... Pour nous retrouver déconfits devant le petit coup de pouce donné par le Hasard - sous la forme cette fois d'une lampe de poche - afin que l'ordre du monde soit restauré, de manière assez misérable, il faut bien l'avouer. Si l'on se souvient que le même motif de l'équilibre et du basculement servait à conclure superbement "Match Point", on peut se demander si Allen n'a pas voulu ici rétablir une sorte de balance justement - prouvant in extremis (les années passent...) à son public américain puritain qu'il n'est pas un si mauvais bougre que ça, et qu'il comprend bien que les rêves éhontés et lubriques de fuite en Espagne ne "doivent" pas se matérialiser. Il s'agit indiscutablement d'une déception, "l'Homme Irrationnel" (sous-entendu européen et donc pervers) - un excellent Joaquin Phoenix, comme toujours, malgré une surprenante petite brioche - étant vaincu par l'innocente midinette américaine - une Emma Stone aussi irritante que dans "Magic in the Moonlight". Si l'on ajoute, ce qui ne surprendra plus personne en 2015, une mise en scène paresseuse et un terrible manque de conviction général, "l'Homme Irrationnel" s'avère bel et bien une vraie déception, une de plus dans la filmographie en pleine déliquescence d'un réalisateur usé qui n'a pas su s'arrêter à temps. [Critique écrite en 2016]

EricDebarnot
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le 14 mars 2016

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Eric BBYoda

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