D'emblée, je sors mon joker car j'ignore tout des antécédents de Truffaut, si ce n'est un vague souvenir de l'avoir suivi à bord d'une trame de métro et croisé lors d'une pige chez Spielberg.
Dans "L'homme Qui Aimait Les Femmes" (1977), Truffaut brosse le portrait de Bertrand Morane, un fétichiste-queutard incarné par un Charles Denner hypnotisant et de tous les plans. De Montpellier à Béziers via Paris, d'une voix off lancinante et savoureuse, Morane relate ses innombrables conquêtes qui ont jonché sa vie depuis sa puberté au fur et à mesure qu'il les couche sur son autobiographie. Selon lui, "les jambes des femmes sont des compas qui arpentent le globe terrestre en tout sens, lui donnant son équilibre et son harmonie".

Aux antipodes des canons de la beauté masculine mais doté d'un charme nébuleux et délicatement désuet, Denner fascine aussi par sa nonchalance, sa voix grave goudronnée à la Gitanes, à l'intonation crispée si particulière de la race des pince-sans-rire comme Trintignant. 
Il est de ces acteurs qui m'intriguent, ceux dont les mystères semblent insondables. Je ne sais que peu de chose sur lui mais j'aime son apparence froide et rigide comme du béton derrière laquelle on sent poindre de la mélancolie, de la sensibilité et de l'intelligence. Par un seul rôle, Charles Denner a marqué mon enfance de son empreinte en interprétant l'inspecteur Charles Moissac, bras droit du commissaire Letellier et magnifique faire-valoir pour Belmondo dans "Peur Sur La Ville".

Les gambettes : l'obsession maladive de Morane. Des galbes élancés par le port de hauts talons, des démarches lascives, des croupes callipyges, des jambes qui se croisent au son discret des bas qui se frôlent, des cuisses qui s'entrevoient... Par ce festival de cannes, Truffaut retranscrit parfaitement les phantasmes de Morane soumis à ce magnétisme érotique.
Tout comme lui, les guiboles m'ont toujours fascinées. De Safet Susic aux danseuses de tango, aux jambes revêtues de cuissardes ou cintrées dans du latex, en passant par celles de Mme Viguier, (ma prof de sciences nat' au collège auprès de laquelle on étudiait surtout la lourde profondeur de son décolleté et les exposés furtifs de ses bas et porte-jaretelles qu'elle révélait "innocemment" en s'asseyant jambes croisées sur le bord de nos pupitres)...

Pour illustrer le tableau de chasse de Morane, Truffaut dispose d'une galerie d'actrices aux physiques aléatoirement charmants selon les critères  de 1977 ou 2014 et de laquelle émergent les pimpantes Nathalie Baye, Brigitte Fossey ou Geneviève Fontanel.

Deux heures durant, "L'homme Qui Aimait Les Femmes" est un exquis moment d'élégance, empreint d'une légère mélancolie, orné d'un rythme et de dialogues pétillants et porté par la performance admirable de Charles Denner.
Lazein
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le 23 juil. 2014

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Laz' eïn

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