Dempsey Rae est un vagabond qui traverse clandestinement les Etats-Unis en squattant des wagons de trains de marchandises. De son passé, on ne saura pas grand-chose, si ce n'est qu'il vient du Texas et qu'il a une haine viscérale des fils barbelés. Epris de liberté et opposé à toute idée de changement, cet amoureux des grands espaces ne supporte pas de voir des éleveurs de bétail s'approprier des terres gouvernementales qui ne leur appartiennent pas, et c'est la raison principale qui le pousse à fuir encore et toujours vers le nord, à la recherche d'un eldorado sauvage et sans limites.

Avec son scénario écrit en 10 jours, ce western tourné en 3 semaines est loin d'être le chef d'œuvre annoncé par tous les spécialistes, et pendant une bonne partie du film, Kirk Douglas se contente de cabotiner et d'exhiber sa tignasse blonde bien grasse. L'acteur à la fossette sait pertinemment que ce long métrage repose uniquement sur ses épaules, et il s'en donne à cœur joie, en occupant l'espace de manière animale. Si le ton du film est léger, l'humour est assez lourd, la mise en scène est plate, et le sidekick qui accompagne le héros est peu convaincant dans son rôle de "maverick" naïf et innocent qui a tout à découvrir de la vie. A vrai dire, la seule vraie bonne surprise du casting vient de Jeanne Crain, qui interprète une propriétaire de ranch vénale, déterminée et opportuniste.

Après environ une heure, le ton s'assombrit légèrement, et le futur interprète de Spartacus montre ça et là quelques facettes de son immense talent (ce regard de tueur quand il dégaine dans le saloon...), mais les personnages restent bien trop manichéens et caricaturaux dans leur comportement. Le scénario souffre de quelques ellipses temporelles malvenues, et dans l'ensemble, on peine à croire à ces revirements de situation trop soudains et trop radicaux pour être vrais.

La thématique générale de ce western n'est pas sans rappeler celle développée sept ans plus tard dans "Seuls sont les indomptés", mais si ce dernier tenait une grande place dans le cœur de Kirk Douglas, on ne peut pas en dire autant de "L'homme qui n'a pas d'étoile". A ses yeux, ce long métrage était une œuvre mineure qui n'avait que pour unique but de l'occuper entre deux tournages plus importants. Kirk semble pourtant s'amuser dans ce rôle d'antihéros, et à le voir jouer du banjo ou jongler comme un as avec son revolver, on imagine qu'il a passé un bon moment pendant les prises de vues.

Au final, "Man without a star" est un western qui souffre de son évident manque de moyens. Les thèmes abordés sont ambitieux, mais ils ne sont pas suffisamment approfondis pour qu'on ressorte du visionnage avec l'impression d'avoir réellement appris quelque chose. Il y avait beaucoup à dire sur le morcellement arbitraire des étendues sauvages américaines, et sur le rapport de force qui s'exerçait entre petits et grands éleveurs à l'approche des saisons hivernales, mais King Vidor me semble être passé un peu à côté de son sujet, à tel point qu'il a même fini par renier complètement ce film... Bref, une petite déception qui ne s'adresse qu'aux inconditionnels de Kirk Douglas.
chtimixeur
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le 19 juin 2012

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