C'est rare, mais je suis d'autant plus déçu devant « L'Homme qui rit » que quasiment chaque scène démontre un potentiel énorme, de ceux capable de vous offrir un très grand film. Les références de Jean-Pierre Améris sont palpables : le cinéma de Tim Burton et surtout le classique de Tod Browning, « Freaks ». Hélas, il est peu dire que nous sommes loin des deux. Le réalisateur ouvre nombre de pistes fascinantes pour les refermer immédiatement après, plusieurs répliques laissent entrevoir quelque chose de passionnant pour ne finalement déboucher sur rien, sans parler d'un univers esthétique audacieux, mais tellement figé qu'il ne convainc en définitive qu'à de rares instants.
De plus, si l'on excepte quelques scènes, les choix musicaux sont souvent catastrophiques, lorgnant trop souvent du côté de la comédie, ce qui rend parfois l'œuvre totalement hybride. Le pire, c'est que je comprends très bien la plupart du temps ce qu'Améris veut exprimer, vers quelle démonstration il veut nous emmener, à l'image de cette dimension très « fellinienne » qu'il souhaite apporter à ces clowns souvent pathétiques : sans succès.
Ne soyons toutefois pas trop sévères, car malgré tous ces ratés, au moins le réalisateur a t-il tenté quelque chose d'audacieux, fonctionnant de temps en temps et intriguant à plusieurs reprises. C'est notamment le cas concernant l'émouvante conclusion, filmée assez maladroitement mais permettant de capter, ne serait-ce que quelques instants, la belle dimension tragique et sociale que « L'Homme qui rit » aurait dû offrir. Rien de déshonorant donc, mais un regrettable sentiment de gâchis.