Cette critique contient des références précises au roman de Victor Hugo, et tente de rapprocher le film et le livre en dévoilant certaines choses essentielles de l'oeuvre en question.


Adaptation déplorable du chef d'oeuvre de Victor Hugo L'homme qui rit de Jean-Pierre Améris est la médiocre illustration des mésaventures du mythique Gwynplaine et du truculent misanthrope Ursus, simple traduction fonctionnelle du roman éponyme. De l'oeuvre dantesque que constitue le roman de Hugo il y avait pourtant matière à réaliser quelque chose de flamboyant, du moins un film ambitieux et émouvant... Hélas l'esprit hugolien n'est que fort peu respecté dans ce long métrage brouillon, et l'approche contemplative du romancier est ici remplacée par une esthétique criarde, par un montage disgracieux et par des acteurs pour la plupart dénués de talent.


Les aspects les plus fascinants du livre sont ici soit traités par-dessus la jambe soit littéralement mis au vestiaire par Jean-Pierre Améris. L'homme qui rit parle avant tout de la destinée extraordinaire de Gwynplaine, d'une existence hors du commun mise à rude épreuve par le poids de la fatalité : en ce sens la première partie du roman demeure cruciale pour la portée philosophique de son intégralité... Ici ce tâcheron d'Améris expédie les cent premières pages du livre en cinq vulgaires petites minutes, allant jusqu'à escamoter le magnifique passage de l'ourque biscayenne et du fameux message enfoui dans la bouteille de verre ; il préfère s'attarder sur la relation qu'entretien Gwynplaine avec la duchesse, avec platitude et superficialité, sans que cela ne vienne faire écho avec l'amour platonique du héros et de Dea : le film est tout bêtement quelconque et bâclé, dépourvu de profondeur ( seule la tirade d'Ursus adressée à Gwynplaine, joliment proférée par Gérard Depardieu, parvient à nous extirper de l'ennui absolu ) et d'audaces.


Certains personnages du roman sont ici inexistants, tels que le sympathique Tom-Jim-Jack ou le très important personnage de Hardquanonne. L'écriture circulaire de Victor Hugo est ici substituée par une narration linéaire, lisse et paresseuse, sans aucune intensité dramatique. On aurait rêvé d'un film démesuré au potentiel méditatif, existentiel... On a juste un produit résumant de manière simpliste le roman, visuellement hideux et plus proche du théâtre filmé que du cinéma. Un navet.

stebbins
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le 7 mai 2015

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stebbins

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