Une vingtaine d'années, 6 tentatives, un documentaire, la mort de Jean Rochefort, un AVC du réalisateur avant la sortie à Cannes, voilà ce qu'est Don Quichotte. Le combat aura duré et tout laissait entendre que la malchance presque maladive de Terry Gilliam allait l'emporter. Cependant, envers et contre tous, son projet pu enfin voir le jour dans un tonnerre d'applaudissement.
Ne vous laissez pas tromper par l'affiche affreuse du film qui semblerait tout droit sortir d'un nouveau Micheal Bay, ici pas de transformers ni d'explosions (enfin si un peu), c'est avant tout une histoire à la frontière entre la folie et le réel. Toby, jeune réalisateur de pub part en Espagne pour tourner un projet commercial vantant les mérites de la Vodka mis en scène au travers du personnage de Don Quichotte. Cependant l'inspiration lui manque et les actionnaires sont de plus en plus frileux, il part donc se ressourcer dans le village où il avait tourné son premier film lorsqu'il était encore étudiant en Cinéma, reproduction d'une certaine œuvre, Don Quichotte. A travers ce conte Gilliam nous raconte son périple dans un enfer vieux de 20 ans, tel un chevalier solitaire il navigue entre les pleines désertiques tentant de préserver son merveilleux projet. Seul contre tous, nous prenons part à la quête malchanceuse d'un réalisateur dont les aspirations ont été happés par la dureté de la vie. Critique acerbe du système hollywoodien, Gilliam ne se ménage pas et fait de son œuvre un miroir sur lui-même et sur le monde de l'audio-visuel. Rien n'est laissé au hasard et chaque phrase sonne comme une dur réalité sans être dénué d'un humour propre à sa réalisation, mordant. Tout est déjanté, du périple jusqu'aux personnages, dont Jonathan Pryce en est le porte-étendard. Son jeu, qui n'est pas sans rappelé celui de Rochefort, fait sens dans un univers ironiquement triste. Respect du matériau mais aussi de la culture Espagnol qui nous transporte dans la bande-son jusque dans le montage, un tango libre qui joue des codes pou mieux les déconstruire.
Lorsque le rideau tombe, on en ressort presque muet, envahi par l'admiration et, il faut bien l'avouer, une certaine faim. L'attente fut longue et a laissée dans l'imaginaire collectif une soif que le film ne pourrait combler. On s'attendait tous au chef d’œuvre du siècle mais il ne nous laisse qu'un très bon conte, ce qui est un exploit à souligner. Il est rare de voir un réalisateur avec autant de volonté, prêt à combattre vents et marrés pour accomplir sa destiné, celle de tourner le film que tout le monde pensait mort.