L'Idiot
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L'Idiot

Film de Akira Kurosawa (1951)

Une leçon d'une simplicité vertueuse

Lorsque j’ai regardé la liste de mes DVD non honorés, j’ai trouvé dans un coffret de Kurosawa un titre qui ne m’a pas laissé insensible. Ah tiens, me suis-je dit, un film qui est à même de m’intéresser. Et le moins que je puisse dire, c’est que je ne suis pas trompé.

Me voilà donc spectateur de la destinée particulière d’un homme qui l’est tout autant, Kinji Kameda, inopinément gracié alors qu’il allait être fusillé. D’être passé si près de la mort le traumatisera à tel point que de ses crises il en gardera à jamais les séquelles. Maintenant affublé de l’idiotisme, nom que ses médecins ont donné à son état, le voilà relâché dans la société, sans le sou, n’ayant d’autre choix que de loger chez des amis de sa famille.

Certes, de ce qu’on caractérise d’un idiot, Kameda en a certains traits : La maladresse, une relative lenteur, parfois, l’étrangeté qui le fait se démarquer de ses congénères, le plus souvent.
De mon avis, rien de quoi l’empêcher de vivre une vie saine et heureuse. Pourtant, la majorité des hommes et des femmes qui croiseront son chemin ne verront en lui qu’un homme malade et inutile, davantage source de tracas et d’ennuis que de bienveillance et d’amour.

En effet, peu avant son exécution, conscient du mal qu’il avait fait au cours de son existence, jamais le monde, les gens ne lui étaient apparus si essentiels. Il s’était donc promis de tous les aimer à la mesure de l’importance qu’ils avaient dans son cœur. Et dans un monde où l’amour est galvaudée, c’est là que son idiotisme qui est considéré comme une affliction est devenue sa force principale. S’il n’a plus la capacité de réfléchir avec la même complexité qu’autrefois, ce n’est nullement un frein à sa propension à aimer autrui. Pour ainsi dire, c’est même le facteur déterminant qui le fera aimer de la plus belle des façons, sans y adjoindre calculs et stratégies, et ceci avec une pureté miraculeuse.

Alors soit, il est vrai que d’observer fixement le regard de ses interlocuteurs peut déstabiliser, tant ce n’est plus aujourd’hui dans nos habitudes que de voir toute la beauté qui peut derrière s’y cacher. Alors soit, dire sincèrement ce que l’on a sur le cœur, aussi grandiloquent et disproportionné cela puisse-t-il paraître peut choquer devant la rareté de telles manifestations à l’abri de toute équivoque.
Cependant, trop peu d’entre eux se sont posés la question de savoir si le problème était là où ils croyaient l’être, si ce n’était pas dans leurs cœurs qu’il l’était vraiment. Certains le savaient déjà et n’osaient se l’avouer, par fierté peut-être.

Il est intéressant de dénoter la différence et toutes les similarités entre Barberousse, personnage d'un autre chef d'oeuvre de Kurosawa, et de Kameda. Ces hommes sont des exemples distincts de l’aboutissement même des chemins et du cheminement que chacun d’entre nous devons suivre. Cela vérifie une fois encore le côté primordial de nos singularités qui se destinent invariablement, si nous en avons la volonté, à tendre vers le même idéal. Kameda et Barberousse sont aussi identiques qu’uniques, aussi complémentaires qu’indépendants, des êtres humains dignes de ce nom.

Je ne vous cacherai pas qu’à de nombreuses reprises j’ai été troublé par tous les points communs que je partage avec cet homme, aussi bien dans ces « tares » que dans certaines de ces qualités, mais aussi à travers des choses que j’ai vécues. Ma nature profonde, si elle est telle que je le pense, se rapproche plus de la sienne que de celle de Barberousse. Maintenant que j’en suis conscient, je sais ce qu’il me reste à faire pour être aussi « idiot » que lui. Et même si selon les gens qui me connaissent je suis sur la bonne voie, encore faut-il que travaille sans relâche à ne plus être :
- Lâche
- Arrogant
- Méprisant
- Impatient
- Parano
- Fainéant (parfois)
- Peureux
- Blasé
- Etc.
Mehdi-Ouassou
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le 3 avr. 2013

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