L'Île aux chiens
7.7
L'Île aux chiens

Long-métrage d'animation de Wes Anderson (2018)

Je vais vous faire une confidence, avant de débuter : je viens de l’équipe ennemi, mandaté par la ligue de défense des félidés, afin de m’introduire incognito au milieu des protecteurs de l’ordre des canidés. J’avais reçu pour mission de visualiser un film, qui s’annonçait pour le moins comme offensant envers mes supérieurs hiérarchiques (mes chats, donc), et maintenant ceci fait, je suis en mesure de vous traduire et de vous résumer un peu l’état de panique qui règne ici.


On est dans la mouise.


Car on ne va pas se le cacher, l’offensive canine s’est faite plus intensive que jamais, recrutant dans ses rangs un des meilleurs réalisateurs de notre temps, en la personne de Wes Anderson. Tandis qu’ici, Wolfgang Reitherman et ses chats parisiens commencent à manquer, l’ennemi a sortit l’artillerie lourde, en choisissant d’opter pour une stop-motion aux petits oignons. Nous voilà encerclé de toute part, mis à mal par une provocation en tout point parfaite. Mais soyez assurés que notre défense tient bien, et que jamais nous ne nous rendrons.


Longues vies aux chats !


Quoi qu’il en soit, force est de reconnaitre la puissance évocatrice de l’œuvre du jour : l’Île aux Chiens, ou plus communément appelée Isle of Dogs, est un immense chef-d’œuvre d’animation, comme on en fait vraiment peu. Là où l’an passé, j’ai vanté les mérites de l’écrasant Psiconautas, je ne pense pas être en mesure de trouver plus aboutit dans le secteur pour cette année que ce nouvel Anderson, et ceci pour de très nombreuses raisons. La plus évidente d’entre elles tient en deux mots : son scénariste et réalisateur.


Il est l’heure pour moi de vous faire ma seconde confidence de la journée : cette œuvre est seulement la deuxième de Wes Anderson que j’ai vu pour le moment, ayant un retard considérable à rattraper dans la filmographie de certains grands noms atypiques du Septième Art. The Grand Budapest Hotel était une sommité dans son genre, aussi subtil et burlesque que beau, ou simplement différent de toutes les autres productions sorties au même moment. Cela n’en avait pas pour autant fait un chef-d’œuvre à mes yeux, mais avait réussis à m’intriguer plus qu’un peu, sur la manière qu’avait cet homme de penser ses films. En ce qui concerne Isle of Dogs, c’est après en avoir vu la bande-annonce que je me suis rendu compte de ce qu’allait être cette nouvelle œuvre : tout pareil que sa précédente, mais en dessin animé.


Isle of Dog, c’est l’exact même délire que j’avais vu il y a quelques années avec The Grand Budapest Hotel, mais en décuplé, comme si Wes Anderson, loin de partir en roues libres, avait choisis de passer la cinquième à tous les niveaux, et décidé de relever le niveau de complexité technique loin au-dessus de la dangerosité d’un tas de wasabi. Plus drôle, plus grand, plus émouvant, plus déluré, plus complexe, plus incroyable, plus beau, avec un casting vocal XXL plus dense qu’un Avengers ou qu’un Expandable.


Livrant une aventure haute en couleurs (aussi bien au sens propre qu’au figuré), Wes Anderson fait la part belle au dépaysement, offrant un spectacle à la fraicheur plus qu’agréable, à mille années-lumière de ce que l’on voit habituellement au cinéma. Percutant à tout les niveau, drôle à tout les instants, burlesque à plus d’un moment, mais surtout équilibré au poil de chat près.


Le dosage entre humour, émotion et action est balancé à la perfection, se permettant des scènes totalement calmes et belles, jamais ennuyeuses, et retombant toujours sur leurs pattes. Le film en lui-même, est sous-divisé en quatre parties de longueur presque égale, auxquelles se greffent l’intro et quelques flashbacks, permettant de rythmer l’œuvre de façon aussi étrange que le reste de son humour, toujours bienvenu.


Sur ce récit fort agréable à suivre, et sur ce fond aussi délirant que beau dans ses propos, se trouve la forme, qui décide de prendre l’apparence d’un film d’animation utilisant la technique de Stop-Motion, consistant à animer une suite de miniatures photographiées. Extrêmement bien utilisée ici, elle finit par devenir totalement invisible, tant elle sert admirablement bien les intérêts du film. On oublie très vite que l’on est face à de l’animation, pour simplement accepter les images, qui coulent d’elles-mêmes.


Il y a beaucoup à dire sur Isle of Dogs, malheureusement pour mes concitoyens qui tentent de dominer le monde depuis si longtemps maintenant. Tenez, prenez la musique par exemple : Alexandre Desplat, notre frenchie adoré, a composé une bande originale toute aussi particulière que le film qu’elle accompagne. Pas aussi délirante que pour la précédente œuvre d’Anderson (qui lui avait voulu son premier Oscar, en lieu et place de Zimmer cette année-là), mais beaucoup plus puissante et percutante, empruntant au passage énormément d’idées issue de musiques traditionnelles nippones. Un régal auditif qui risque malgré tout d’être complexe à réécouter en standalone.


Je crois que je pourrais en parler encore très longtemps de ce film, et surtout de son humour, délirant au possible, aussi burlesque qu’en tous point original : la typographie qui mélange en permanence l’alphabet latin avec les kanjis nippons, le choix de ne pas traduire des scènes entières où les individus ne communiquent qu’entre eux en japonais, ou encore des personnages secondaires souvent stéréotypé au possible sans que cela ne passe jamais pour un défaut. L’originalité de l’ensemble en fait un véritable must-see, une bouffée de fraicheur dans un paysage cinématographique où tout a déjà été vu et revu.


Aussi fou qu’émouvant, aussi grandiose visuellement que performant sur son histoire, aussi original que délirant, toujours impeccable, jamais lassant, capable de vous faire sourire pendant plus de 90 minutes, et rire pendant plus de la moitié pour mieux vous émouvoir le reste du temps, Isle of Dogs est un pur produit de divertissement tel qu’on aimerait en voir des millions. Non vous savez quoi, retirez ça ; parce que déjà ce serait dommage qu’on finisse par se lasser de telles œuvre, et puis bon, je n’ai pas le droit d’applaudir l’arme ultime de l’ennemi.


La balle est dans votre camp, les doggos. A nous de jouer, à présent !

Créée

le 12 avr. 2018

Critique lue 256 fois

4 j'aime

Sherns Valade

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