Il y a dans L'île nue des idées géniales et des qualités indéniables qui en font un film profondément touchant et qui, malgré sa forme peu commune, passe en un rien de temps. L'attention maintenue en l'absence totale de dialogues, la volonté de vivre en isolement avec les fortes contraintes naturelles que cela implique, la capacité extraordinaire à filmer le quotidien combatif de ces paysans et la nature qui les entoure, la magnifique bande-originale... Et pourtant, bien que je ne me sois pas du tout ennuyé, je ne peux pas m'empêcher de regretter la quasi-absence d'un scénario, pas de dialogues d'accord, belle idée même, mais le génie de cette idée se distingue justement par la capacité à raconter quelque chose, sinon sans dialogues ni véritable scénario là on tombe dans le contemplatif plus facile. Autant je peux trouver le film magnifique pour les raisons citées plus haut, autant peuvent me rester en travers de la gorge ces personnages pas développés pour un sou, cette monotonie et ces répétitions (de toute évidence voulues pour nous faire ressentir leur routine, mais ça peut aussi décevoir dans le sens où il n'y a pas de révélation à la clé, pas de fin mot de l'histoire qui se démarque de ce qu'on voit déjà), parce que mis à part les redondantes séquences du couple de paysans faisant leurs trajets pour amener l'eau / cultiver etc, la narration se fait malheureusement trop rare, seules la scène en ville, celle du feu d'artifice, et celle de la révolte de la mère apportent de la fraîcheur en se démarquant de cette routine constante et surtout en prenant tout leur sens. À noter tout de même le réalisme des scènes et une nature divinement filmée, accompagnée par de superbes musiques qui collent parfaitement, aspects qui en font en quelque sorte un croisé entre un film muet et un documentaire contemplatif, et puis on retiendra également le message sur le cycle de la lutte humaine face aux obstacles de la nature, démontré à travers une famille préférant être isolée des zones urbaines quel qu'en soit le prix, réflexion au centre du film, film qui après maintes répétitions s'achèvera sur le même registre qu'on avait déjà compris dès le départ. Bref, c'est un très beau film, une magnifique et touchante envolée visuelle, mais, malgré quelques passages qui échappent à cette spirale de répétitions, ça manque vraiment de consistance même d'audace dans le fond ce qui empêche le film de prendre encore une toute autre dimension, dommage, donc résultat j'ai aimé mais j'en ressors aussi frustré.
PS : merci Giulietta pour la découverte ;)