Oui, bon, c'est vrai que, maintenant que je le revois, "The imaginarium of Doctor Parnassus" ne me paraît plus être un sacré chef d'oeuvre. Le film reste tout de même agréable à regarder et possède surtout le potentiel d'un oeuvre très forte, mais Gilliam se perd surtout dans la narration un peu brouillon.

Une narration brouillon, oui, on a l'impressoin que c'est un vieux qui radote qui nous raconte là une histoire. La première heure du film n'est pas suffisamment claire sur les enjeux (tout le suspense sur le pari se révèle inutile ; pire, cela fout en l'air le rythme du film), on tergiverse beaucoup et, même s'il se passe toujours quelque chose à l'écran, l'intrigue ne semble réellement démarrer qu'arrivé à la moitié du film. Dès lors, le traitement de la partie la plus intéressante de cette histoire farfelue est expéditive : on n'entre pas assez en profondeur dans le choix de chacun des personnages, ce qui donne une impression de facilité. De plus, Gilliam et son co-scénariste ne s'attardent pas assez sur les règles, et cela se ressent par un manque de cohérence. Le personnage de Tony est fort intéressant mais son basculement est trop soudain, ce qui rend le dénouement un peu trop facile pour régler les comptes. Malgré tous ces défauts, il reste de très bonnes choses : de bonnes scènes, de bons personnages, de bons dialogues.

Visuellement, Gilliam reste intéressant malgré les années qui passent et un style qui prend le pas sur son nom. Parfois à tort, car il est vrai que la surutilisation du grand angle était adaptée à un découpage bien plus dynamique et audacieux à l'époque, alors qu'aujourd'hui on sent bien le poid des années et le manque de budget bloquer l'auteur. Mais ça passe agréablement, il s'entoure toujours d'une bonne équipe tant technique qu'artistique. Ses acteurs sont d'ailleurs tous très bons, et la solution par rapport à la mort de Ledger fonctionne. Côté effets spéciaux, j'avais envie de dire durant la première heure que le numérique était le nouvel ennemi de Gilliam ; certes, il lui est désormais possible de reproduire ses idées à moindre coût, mais le résultat n'est pas toujours bluffant. La deuxième heure, en revanche fonctionne mieux. Pourtant les effets ne sont pas de meilleure qualité. La raison tient au rapport avec l'histoire : durant la deuxième moitié du film, nous sommes dans l'esprit de quelqu'un et non dans la réalité : un décalage entre cet univers créé numériquement et le monde réel ne pose donc aucun problème, alors que durant la première moitié, nous sommes confrontés lors de certaines séquences à un monde ancien oublié, oui, mais qui reste tout de même réel. Par conséquent, s'apercevoir que les décors ne sont pas réels posent problème. Pour en revenir à la deuxième heure, c'est amusant de voir à quel point Gilliam recycle ses vieilles idées : l'univers imaginaire fait en effet souvent écho à ses premiers films d'animation, un peu comme s'il les adaptait au numérique. Les univers créés sont riches d'un point de vue visuels et très agréables à découvrir. Et puis, il est à noter que, malgré le numérique, Gilliam découpe le plus souvent ses actions comme s'il s'agissait d'effets mécaniques (on évite donc les plans épiques numériques).

Bref, "The imaginarium of the Doctor Parnassius" souffre surtout d'un scénario mal ficelé, mal rythmé. Certainement qu'un budget un rien plus gonflé aurait permis à Gilliam de faire des choses plus grandioses visuellement (je reste persuadé que des effets spéciaux à l'ancienne auraient mieux fonctionné, même pour l'imaginarium), mais cela n'empêche pas de passer un agréable moment devant ce qui aurait pu être une sacrée merveille.

Note : Gilliam a déclaré que "Tideland", "Imaginarium of Doctor Parnassius" et "The zero theorem" forment une trilogie traitant de sa difficulté à s'adapter au monde (surtout par rapport à son métier) ; c'est plutôt bien d'avoir des choses à dire, mais un tel fond ne doit pas se répercuter dans la narration : autant Tideland est très bien structuré, autant ce film-ci est très brouillon et aurait gagné à être limpide. Comme on dit, ce n'est pas parcequ'on parle de l'ennui que l'on doit être ennuyant. J'ai hâte de découvrir "The zero theorem".
Fatpooper
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le 15 juil. 2014

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