L'Imaginarium du Docteur Parnassus par Francis Janvier
La mort de Heath Ledger a eu un gros impact sur ce film, autant positif que négatif. Positif parce que Terry Gilliam ne s'est pas laissé abattre par la perte de son ami et acteur fétiche, il a plutôt fait appel à Johnny Depp, Jude Law et Colin Farrell pour boucler le tournage, transformant un petit film sympathique sans plus en hommage vibrant à cet acteur formidable, mais aussi ce grand ami qu'il était pour les trois qui l'ont ensuite remplacé. En ce sens, L'Imaginarium du Dr. Parnassus a une résonance profondément humaine et touchante, à la manière du A.I. de Spielberg, hommage à son ami Kubrick. Toutefois, la disparition tragique de Ledger a aussi complètement chamboulé l'intrigue du film, Gilliam a donc dû bidouiller à fond son projet pour lui donner un peu de cohérence. Le résultat est brouillon, confus, décousu, peu convaincant. L'histoire demeure simple, mais fait appel à d'importants éléments fantastiques dont il est parfois difficile de saisir les enjeux. Les passages dans l'Imaginarium sont sans conteste les meilleurs moments du métrage, bien qu'ils soient majoritairement incompréhensibles, Gilliam s'en donnant à cœur joie pour retranscrire son univers loufoque et incohérent, carrément surréaliste. L'esthétique volontairement plastique de ces séquences sur fond vert donne un aspect anti-réaliste totalement à propos au sein de cette pseudo-réflexion sur les pouvoirs de l'imagination (faisant écho au Brazil du même Gilliam), la preuve que l'on peut faire des trucs vachement intéressants et novateurs avec du CGI, même s'il est de mauvaise qualité. Et finalement, il y a Heath Ledger et ses trois "doublures", toute l'essence du film : si l'introduction des changements de visage est maladroitement amenée (parce que forcée par le destin), ceux-ci sont tout de même très bien ancrés dans l'univers et sont un joli pont vers la révélation sur le personnage de Tony, un homme aux multiples visages. Et à côté, les autres acteurs font de leur mieux pour donner vie au reste du film. Bref, il s'agit d'une oeuvre extrêmement imparfaite qui manque grandement de cohérence et de sens, le film paraît souvent trop artificiel, trop insignifiant, mais le moment passé à le regarder est agréable et les merveilleuses intentions qu'il y a derrière suffisent à le rendre digne d'intérêt. Il ne fait aucun doute que Terry Gilliam savait son film imparfait, mais il a tout fait pour mener à bout ce projet ambitieux juste pour rendre un dernier hommage à son ami. Bravo.