Quelle baffe. De celle que l’on adore recevoir, non parce qu’elle vous met un coup de sang mais parce qu’elle vous rappelle tout simplement ce que le cinéma évoque pour vous. Carlito’s Way est un film magistral, à tous les niveaux.

La mise en scène tout d’abord est somptueuse. D’une précision chirurgicale, De Palma manipule l’image comme un orfèvre fond l’or pour le sublimer. Chaque mouvement de caméra est calculé, nécessaire à la mécanique de la séquence qui l’incorpore, faisant de l’espace investi par l’image un acteur à part entière du film. Rien n’est inutile, chaque mouvement initié se révèle dans sa suite, à chaque fois aussi surprenante que magique. De palma possède un sens du cadre impressionnant et surtout un sens du mouvement qui tient du génie. Deux scènes sont les témoins de cette virtuosité dont on peut le qualifier. La première, l’une des plus importantes du film, le premier gunfight qui va précéder une heure de dialogue se doit d’être d’une efficacité redoutable dans le sens où elle va donner confiance au spectateur, lui faire comprendre que l’heure qui vient va servir à mettre en place un final monstrueux. Ainsi De Palma prend son temps et tourne cette scène comme si elle était unique, instaurant avec habilité un suspens qui va monter crescendo avec un petit jeu autour du billard jusqu’à la mise en action de l’ancien Carlito, homme de la situation en tueur efficace et burné. L’autre scène qui me vient à l’esprit est la course poursuite entre Carlito et les hommes de la mafia, qui commence par une séquence de fou tournée dans un train et se termine dans l’escalator de la gare. La caméra virevolte pendant ces séquences telle une danseuse étoile sur scène, donnant encore une fois une fluidité aux personnages et leurs actions qui est vraiment impressionnante. Le générique d’ouverture et la séquence finale qui se répondent à la perfection et terminent le film avec une classe ultime finiront de convaincre les derniers réfractaires que De Palma ne fait pas les choses à moitié.

A réalisation somptueuse, scénario habile qui sait se faire simple pour mettre à l’honneur le sujet du film : un Carlito en quête de rédemption, à la recherche d’une vie banale dans laquelle suffiraient à son bonheur une famille, un boulot stable et quelques rayons de soleil. Le script est une adaptation de deux romans, Carlito’s Way et After Hours. Il a été écrit en consultation avec l’auteur des deux livres et remanié intégralement pour pouvoir servir de matériau de base au film. On sent vraiment cette implication en amont ; elle a véritablement abouti à la fluidité qui caractérise le film. On ressent ce boulot de préparation à travers chaque décors, chaque endroit où prennent place les différentes séquences, comme par exemple toutes celles tournées dans la boite de nuit que De Palma a voulu semblable à un bateau, symbolisant ce rêve cher à Carlito. Al Pacino, qui est à l’origine du projet, est habité par son rôle et prête ses traits à son personnage pour ne faire plus qu’un avec lui. Il nous offre une prestation qui m’a littéralement envoûté. Sa gestuelle, son regard, sa diction, tout est en harmonie pour insuffler à Carlito un charisme ravageur et une classe qu’il emportera outre tombe.

Le reste du casting lui assure une répartie de haute volée, donnant à l’ensemble une cohérence dans la perfection qui fait plaisir à voir. Penelope Ann Miller est magnifique, sublimée par un script qui lui propose une histoire d’amour qui n’en fait pas trop, simple et belle, juste comme elle. Sean Penn est méconnaissable dans son rôle de pourriture opportuniste dépassée par les évènements et la rancune. Les seconds rôles sont également au top et donnent vie au passé de Carlito avec beaucoup de panache. Mention spéciale à Benny Blanco from the bronx, miroir évident de ce que fut Carlito, un homme dur qui ne fait pas dans la dentelle pour se faire respecter.

Carlito’s Way est un film comme on en rêve à chaque fois que l’on appuie sur le bouton rouge de notre télécommande. De Palma nous soigne chaque plan, ne nous entourloupe à aucun moment avec un twist de petit malin ou une histoire qui se complique inutilement et nous livre un chef d’œuvre dont la beauté plastique égale celle de son actrice principale. Un véritable bonheur visuel.

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oso
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le 19 févr. 2014

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oso

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