janv 2011:

J'avais de ce film un souvenir, lointain il est vrai, où les pleurs de Romy Schneider et la musique de Georges Delerue jouaient le rôle de catalyseur de grandes émotions, mais par trop confuses. J'avais depuis vu "L'amour braque" où l'agitation permanente avait considérablement altéré l'espèce d'indulgence que je cherche à cultiver par ailleurs.
Bref, quand ma femme a sorti cette galette du tas de dvds qu'elle avait emprunté à la médiathèque, j'avais un peu le cul entre deux chaises, ravi de mettre le cas Zulawski au clair, une bonne fois pour toutes et inquiet à l'idée de découvrir un cinéma singe-hurleur.

Sur ce film en tout cas, le cinéma de Zulawski apparait tel que je me l'imaginais : excessif, dans la forme surtout, que ce soit dans les décors et l'expression des personnages mais également dans la mise en scène ou la direction des acteurs. Le terme "rococo" m'est apparu parfait pour bien décrire cette obsession du réalisateur à remplir son image de mouvements, de personnages, de mots, de cris. Remplir pour remplir. Qu'il n'y ait surtout ni calme ni vide.

Le monde de Zulawski est impur, tout y est crasseux, avili, à l'agonie, dans la plus disgracieuse dégénérescence et les individus ne trouvent pas les moyens de s'en extirper. La vie est une malédiction. Alors, on pleure, on se fait du mal, on se hait et on se regarde pleurer et mourir. Beaucoup de bruit et de fureur dans un élan de mort. Cet aspect mortifère est incontournable d'autant que le film manque remarquablement d'humour.

Pour figurer un certain recul face à la souffrance, Zulawski intègre des petites figures de style censées receler une part d'humour, celui du désespoir, sous laquelle les personnages se cachent pour mieux survivre sans doute, mais il ne consiste guère qu'à demander par exemple à Jacques Dutronc de sautiller en apportant le café ou faire tomber Michel Robin dans les escaliers après qu'il eut ingurgité du pâté pour chien. C'est dire toute la joie et le bon rire plein de finesse que le film provoque.

Donc pas grand chose à se mettre sous la dent du côté d'une histoire qui à la base présente bien, semble intéressante. D'ailleurs, j'ai un bon souvenir de "L'année des méduses" de Christopher Frank, un film avec des personnages passablement cramés également. Aussi suis-je même a priori intrigué par l'œuvre de Christopher Frank. Et je me demande bien comment Zulawski et lui ont pu travailler ensemble... parce que je n'ai pas le sentiment que les troubles relationnels et existentiels des personnages de Christopher Frank soient particulièrement bien étayés par l'agitation et l'outrance du cinéma de Zulawski.

Trêve de conjectures sur lesquelles je risque fort de me casser le nez et passons à du concret, du visible. Les acteurs parviennent parfois à s'échapper de cette gesticulation criarde.

Je pense évidemment à Romy Schneider qui par moments parvient à reconvoquer l'émotion qu'elle avait suscité en moi à la découverte du film il y a longtemps. Outre sa prodigieuse beauté, il émane de cette femme un charme, une puissance qui dépasse mon entendement. A chaque nouveau film que je vois d'elle, je reste ébahi par ce qu'elle dégage avec parfois une sorte d'innocence surprenante et si contraire à la maturité qu'elle affiche par ailleurs. J'adore cette femme. Allez, hop, dans mon panthéon de chéries!

De tous les personnages, seul celui de Fabio Testi est épargné par la grandiloquence générale. Seul être noble, il patauge dans cet univers blessé et finit par en payer le prix cher.

Faut-il évoquer la prestation de Klaus Kinski? Comment ne serait-il pas un poisson dans l'eau avec un personnage si haut en couleurs, en éclats et en tapage? La scène de bagarre dans le café ou la manière dont il est habité par son Richard III en armure de samouraï sont les illustrations parfaites de la représentation perpétuelle dans laquelle Kinski lui même évoluait. Même pas un rôle de composition pour lui... On a le droit d'en rire comme de s'en lasser. Je suis partagé.

J'aime bien Michel Robin mais son personnage m'a semblé complètement artificiel et dénué du moindre intérêt. Si ce n'est son appartement bibliothèque bien bandant s'il n'était aussi dégueulasse.

Ce film est décevant, tellement crâneur, un peu purulent et en fin de compte peu marquant. Je pense que je ne retenterai Zulawski que sous acide.
Alligator
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le 16 avr. 2013

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Alligator

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