Susan Vance, incarnée par Katharine Hepburn, en voilà une qu’elle est casse-couille ! Mignonne, séduisante, mais terriblement casse-couilles. Un peu presbyte aussi, car le Cary n’est pas si Grant, et pas folichon pour un sou, le loulou. Et en même temps la jeune femme incarnée par Katharine Hepburn est tout sauf castratrice, puisqu’elle va, au moins métaphoriquement, tenter d’en faire sa conquête pour le mener à un plaisir qui lui était jusque là interdit par sa fiancée.

Tout ça pour dire quoi ? Que ce film, malgré un réalisateur considéré comme un conservateur, contient une forte tonalité féministe ! Oui, disons-le nettement ! Avec une inversion des rôles assez nette : Cary Grant, menton fesses d’ange, n’est pas encore un homme, un vrai. Sa future, caricaturale, et qui n’est autre que sa secrétaire, ne lui offre comme vie que le labeur, celui de se consacrer à la science et à ses chers dinosaures, une vie peu palpitante consacrée au travail. Des enfants, ils n’en auront pas, du plaisir dans le couple, pas plus. Et le gars de finir d’acquiescer, oui, donner sa vie à la science, ok, c’est cool. Il va falloir le dépuceler, le sortir de tout ça, de ce carcan qu’il n’affronte pas : Cary Grant est ici la femme soumise, et malgré quelques velléités, il va falloir un choc pour réveiller sa virilité.

Ce choc est incarné par le personnage de Katharine Hepburn : le séducteur, l’homme sûr de lui, c’est elle, qui n’a en effet pas froid aux yeux, et n’a peur de rien pour conquérir son homme. Le film est féministe car on a là, à la fin des années 1930, une femme moderne, libre, qui se comporte un peu comme un homme !

Le film possède aussi un côté légèrement subversif face à un code Hays entré en vigueur quelques années plus tôt. Les allusions sexuelles sont nombreuses, et je ne crois pas avoir l’esprit particulièrement mal tourné. Certains voient même dans la scène du restaurant une métaphore de l’acte sexuel, qu’on peut aussi d’ailleurs voir à la fin du film (balancements sur l’échelle, cris expressifs…) ; certains voient dans le Léopard le fruit de cet axe sexuel, et il n’est pas complètement anodin qu’il soit baptisé Bébé ; il y a aussi le passage où Susan tire la queue du léopard… Le film est enfin une satire de la société américaine, avec par exemple des forces de l’ordre qui en prennent pour leur grade !

On a là un scenario absolument improbable, qui pourrait en laisser plus d’un de côté, avec de nombreuses invraisemblances ou coïncidences impossibles, mais beaucoup seront quand même pris dans l’intrigue, on se prend au jeu, on se laisse guider, on se laisse vivre le film et s’amuser au gré des péripéties, nombreuses, et de la performance de cette incroyable actrice qu’était Katharine Hepburn.

Car l’ensemble est quand même sacrément bien ficelé, et malgré une entame que je trouve un peu poussive, le film, dans un rythme trépidant, parvient à enchaîner de nombreuses scènes très drôles, et assez variées. On a là une comédie loufoque, une des ces screwball comedies, maniant différents formes de procédés humoristiques, dans ce contexte de fin des années 1930 où l’on sort à peine de la dépression, où l’on entend déjà des bruits de bottes en Europe, signifiant probablement que les Etats-Unis devront à nouveau sortir de leur isolationnisme, qu’il va à nouveau falloir partager le malheur du monde. Un contexte où il n’est pas vain de faire rire les gens. Un film qui s’inscrit donc dans un contexte bien précis mais auquel on adhère encore aujourd’hui bien plus qu’on ne pourrait l’imaginer.
socrate
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le 7 févr. 2015

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